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30 octobre 2010 6 30 /10 /octobre /2010 17:49

L'HISTOIRE D'UN HONNETE CITOYEN

(l’écho des souvenirs vivaces)

Par dr Mohamed Sellam

Professeur d’Université

 

            C'était un jour de septembre 84. Je traversais la médina de ma ville natale, lorsque l'idée me vint de passer chez un marchand d'étoffes de ma connaissance.Je pénétre dans la boutique; il me salue avec ardeur tout en me posant des questions hâtives sur l'état de ma santé, je lui réponds que tout va à merveille. Il me présente aussitôt  un lot de tissu qu'il affirme être de la meilleure qualité et que, étant donné son prix raisonnable, il m'invite d'en prendre quelques mètres pour en faire deux costumes. Je lui déclare illico que ma bourse ne me permet pas pour le moment de m'offrir un tel plaisir, et que, bien que son tissu soit de qualité et que son prix soit relativement de beaucoup inférieur à celui pratiqué ailleurs, je m'excuse de devoir décliner son offre. Aussitôt le bonhomme, presque agacé à la suite de ce refus inattendu, esquisse un sourire forcé et me dit que ce n'est pas du tout un problème et qu'entre ami l'argent ne compte absolument pas, puisqu'il me sera toutefois loisible de le payer plus tard. L'essentiel pour le moment, c'est de ne pas me frustrer de ce plaisir en m'achetant de ce tissu qui va bientôt être épuisé.

            Après réflexion, et  ne voulant plus prolonger davantage cette discussion stérile, je conclus en fin de compte à un compromis qu'il a trouvé pour lui fort avantageux je lui ai offert un chèque comportant la somme requise, à savoir cent dinars, qu'il a fait semblant de refuser d'ailleurs, mais que j'ai insisté de mon côté pour qu'il le prenne, en lui proposant toutefois une simple condition, c'est que, ne connaissant pas encore la valeur des fonds contenus dans mon compte, il serait bien aimable de ne présenter ce chèque que vers la fin du mois, c'est-à-dire exactement six jours plus tard, ce qu'il a consenti de bon cœur, me disant qu'il n'y avait aucun problème à cela et que tout irait comme je l'entendais.

            Ainsi , après avoir pris mon paquet sous le bras. ,le cœur tranquille, je le quitte,

En retournant chez moi,j'ai eu le sentiment comme si quelque chose me taraudait l'esprit,un signe prémonitoire,telle une obsession de mauvais augure.

II

            Cinq jours plus tard, je reçois la visite du marchand d'étoffes qui m'annonce, avec un air de profond abattement, que le chèque est retourné impayé. A cette  nouvelle, je me suis mis aussitôt en courroux en lui déclarant en face qu'il a manqué à sa parole et que par son geste irresponsable, il a tout gâché. S'excusant avec humilité il m'affirme qu'il est entièrement innocent de tout ce qui s'est passé et que, ayant confié le chèque à l'employé de l'agence UBCI où il a son compte, en le priant toutefois de le conserver jusqu'à la date convenue, pour en effectuer le dépôt, il a commis inconsciemment une erreur fatale, puisque l'employé n'a fait que virer le chèque immédiatement sans prendre en considération les conseils de notre bonhomme, qui s'est montré, selon toute apparence, d'une extrême naïveté.

            D'un autre côté, l'agence, nouvellement ouverte, ne s'empêche pas de grossir ses réserves le plus rapidement possible et un dinar de plus dans ses caisses serait à coup sûr une aubaine fort souhaitable.

            Ainsi, après m'être séparé de ce pauvre type, je me suis mis à; réfléchir sur la situation dans laquelle il m'avait mis.

            Dès le lendemain matin, je me rendis à l'agence, d'où j'ai retiré le chèque impayé que j'ai lacéré en présence de l'employé, après avoir immédiatement remboursé l'intégralité de la somme. J'ai effectué cette opération sans que l'employé n'ait fait le moindre mouvement pour me rappeler le paiement d'une amende. Après quoi, je dus quitter l'agence, le cœur soulagé, délivré que j'étais d'un fardeau qui m'avait affligé durant toute la nuit précédente.

            C'est ainsi que, éprouvant un profond soulagement, je reprends le souffle, tellement j'étais accablé par cette triste affaire.

 

III

            Au cours de l'année 85, enseignant à Maknassy et y résidant depuis quelques années, j'ai appris, dès mon retour dans cette ville, après avoir passé le week-end chez moi à Sfax, que la P. J de Sidi-Bouzid était à ma recherche. Comme j'entretiens des rapports amicaux avec le commissaire de M., j'ai pris aussitôt mes dispositions pour aller le voir. Il m'a fait connaître en effet que la P. J de Sidi-Bouzid était venue me chercher à propos d'une affaire de chèque sans provisions. Cette nouvelle a fini vraiment par m'étourdir, car je n'arrivais pas à comprendre d'où me venait donc une telle calamité.

Je ne croyais pas et je ne parvenais pas à croire qu'il y eût effectivement une affaire de chèque sur mon dos, d'autant plus que je pensais dans mon for intérieur que jamais je n'ai émis de chèque à qui que ce soit, et tous les chèques que j'ai délivrés ont été déjà honorés, sans le moindre problème. Alors d'où venait donc ce chèque fatal? Le commissaire m'a dit que je trouverais la réponse à la P. J de Sidi-Bouzid. Le lendemain matin, de bonne heure, au lieu de rejoindre mon poste comme à l'accoutumée, je m'y rendis sans tergiverser, pensant qu'il s'agissait vraisemblablement d'une erreur.

            Là, après m'être installé sur une chaise, on m'a montré un simple document bancaire où il était indiqué que j'avais émis un chèque de cent dinars à un certain marchand d'étoffes résidant à Sfax et que ce chèque, toujours d'après les renseignements fournis, n'avait pas été réglé jusqu'à ce jour. A cette nouvelle ahurissante, je faillis perdre la maîtrise de moi même, j'ai affirmé en toute sincérité que ce chèque avait été réglé à la même banque aussitôt après avoir appris qu'il a été retourné impayé. On n'a pas voulu me croire, on voulait alors quelque chose de vraiment authentique, de tangible, quelque chose qui prouve effectivement que ce chèque avait été réglé au bénéficiaire, on voulait en un mot une attestation de paiement, et pour cela, on a bien voulu m'accorder un délai de deux jours.

            Après avoir quitté le commissariat, accablé de tourment et le cœur déchiré, je dus prendre le chemin de Sfax et arrivé là, après un voyage très pénible, je me précipitais en direction de la boutique du marchand d'étoffes que je n'ai pas trouvé et que je n'ai pu rencontrer que le lendemain dans la matinée. Je lui racontai mon désarroi et le problème affligeant qu'il a provoqué par sa négligence. Nous avions conçu aussitôt les termes de l'attestation qu'il a signée à la mairie, tout en s'insurgeant contre le chef de l'agence UBCI, menaçant même de le poursuivre en justice et de retirer son compte et de l'annuler définitivement. L'après-midi même, je retourne à Sidi- Bouzid, je me rends au commissariat et là j'ai remis l'attestation qu'on a inséré aussitôt dans le dossier et tranquille, délivré de ce poids qui m'accablait, je retourne à Maknessy, après deux jours d'absence.

 

IV

            Au début du mois de février 1987, j'ai reçu une convocation provenant du poste de police de mon quartier. J'avoue avoir été quelque peu inquiet au sujet de cette convocation imprévue, et voulant calmer mon angoisse, je n'ai pas manqué de m'y rendre le lendemain matin.

Le secrétaire, après une courte attente dans le hall, m'a reçu et tout en compulsant quelques documents, a entreprit de me poser des questions sur mon ancienne adresse à Maknassy. Je lui ai fait connaître que ma seule adresse à l'époque de mon séjour dans cette ville était le lycée et je n'en avais pas d'autre. Il m'a dit aussitôt si j'avais habité dans l'immeuble appartenant au ministère, je lui ai répondu qu'effectivement j'y avais habité durant l'année 85, mais ce n'était pas mon adresse officielle. Après un bref silence, il m'a alors appris qu'il y avait un mandat d'amener émanant du président du tribunal de 1ère instance de Béja pour avoir émis un chèque sans provisions. Je ne pus aussitôt réprimer  un mouvement de colère, tellement j'étais comme abasourdi j'ai affirmé que je n'étais jamais à Béja, que je n'y connaissais personne et qu'il s'agissait probablement d'une erreur, puisque je suis convaincu de mon innocence, d'autant plus que je n'ai pas délivré de chèques depuis belle lurette, déclarant même n'en avoir jamais égaré.

            Ainsi pour me faire croire que c'est la vérité et qu'il n'est qu'un exécutant, il m'a lu à haute voix le contenu du "mandat", disant que ce sont là des ordres qu'on né pouvait enfreindre et que dès à présent, je suis retenu pour être conduit au commissaire divisionnaire, chef de sécurité à Sfax, qui procédera à mon transfert à Béja.

            Quel malheur, mon dieu, s'abat encore sur ma tête! En quelle situation affligeante me suis-je donc trouvé? Quelle calamité incompréhensible. Ne m'a-t-on pas déjà harcelé de convocations, il y a quelque temps, me disant être commerçant et que condamné pour hausse illicite par un tribunal de Tunis, je devais payer une amende, sans quoi on m'emprisonnerait. N'ai-je pas crié à l'erreur et à l'homonymie patronymique et que n'ayant jamais eu affaire de ce genre, affaire à laquelle j'étais tout à fait étranger, j'ai osé cependant récuser en bloc cette accusation, et de me rendre justice. Mais cette fois-ci, je dus me résigner à mon triste destin, l'affaire sérieuse, on n'y pouvait plus rien, il s'agit d'un ordre inviolable!

            Après une longue attente, assis sur un banc, rongé d'inquiétude et pensant sans cesse à ma femme et à mes enfants, qui n'étaient pas au courant de ce qui m'étais arrivé, on m'embarqua enfin dans une petite voiture en compagnie d'un autre accusé qui paraissait être en conflit avec son père la voiture s'arrête devant le portail du commissariat central, et étant descendu, je pénètre, escorté, de deux agents, dans un vaste hall, bondé de vélos usés et enveloppés dans un linceul de poussière. J'ai demandé à être reçu par le commissaire, en vue de lui expliquer qu'il s'agit en toute évidence d'un malentendu et que le "mandat d'amener" pèche par trop d'ambiguïté. On m'a fait aussitôt monter là-haut où il y a le bureau du commissaire, pendant qu'on amène l'autre type dans une geôle pour y être enfermé. Arrivé près d'un banc, l'agent m'a prié de m'y asseoir et de l'y attendre, le temps de régler dans les bureaux voisins quelques problèmes d'ordre administratif.

            Après  une attente pénible et des va- et -vient interminables, j'ai été reçu par le commissaire, auquel j'ai entrepris de clarifier la situation, lui affirmant qu'il s'agit là évidemment d'une erreur que s'il le pouvait, il me ferait plaisir de se mettre en contact avec les services qui ont émis ce "mandat" pour avoir davantage  de précisions.

            Après une longue discussion, il s'est enfin rangé à mon opinion, me priant toutefois d'attendre dehors, le temps de s'enquérir sur cette affaire préoccupante. On m'a fait redescendre en bas, dans une vaste salle où les agents se réunissent pour se reposer et échanger quelques mots. Honteux de moi même et accablé d'ennui, je m'installe à une chaise. Sur ces entrefaites, entre un vieux bonhomme, vêtu d'un burnous élimé et extrêmement immonde, conduit par un jeune agent qui déclare à son chef qui me tenait compagnie l'avoir amené de Sfax pour être transféré ensuite à Nabeul. Ce vieux, à l'aspect hideux et sale, a failli me faire couler des larmes, tellement j'ai compati à ses malheurs. Son image, bien qu'elle soit fort pénible à supporter, est encore vivace dans mon esprit. Soudain le téléphone sonna et je crus entendre aussitôt la voix du commissaire qui ordonnait à l'agent de me faire remonter. Encore une fois, après avoir gravi les mêmes escaliers, je pénétre dans le bureau et après avoir salué le commissaire ainsi qu'une autre personne que je n'ai pas vue auparavant, je m'installe à la même place que tout à l'heure.

            Le commissaire, après avoir consulté plus d'une fois le document fatal, m'a proposé deux solutions ou bien on se charge de mon transfert jusqu'à Béjà, ce qui leur permettra de répondre aux termes du "mandat", ou bien, en raison de ma position sociale et de ma bonne réputation, on est prêt à me remettre une convocation portant la date et l'heure auxquelles je devais me mettre en rapport avec le juge. Avec un profond soulagement et sans avoir manifesté la moindre réticence, j'ai opté pour la seconde solution, dussé-je y mettre tout mon salaire, pourvu que je ne sois pas astreint à répondre aux caprices d'un accompagnateur et que je sois libre, puisque je demeure convaincu qu'il ne s'agit que d'une erreur.

            Après avoir eu ma convocation, je remercie avec ardeur le commissaire pour s'être montré très compréhensif et d'une amabilité extrême tout au long de ces pénibles démarches.

            Il est bientôt midi, depuis huit heures du matin que je me morfonds, dévoré de chagrin et d'angoisse depuis huit heures que je me torture affreusement et que mon âme gémit en secret! Depuis huit heures que je me désole, déchiré, tiraillé par des attentes pénibles!

Sans plus tarder, je rentre à la maison, où j'ai trouvé ma femme.

dans     une situation peu enviable, désespérée de ne m'avoir pas vu de toute la matinée, ce qui est contraire à mes habitudes, puisqu'en ce jour là je ne travaille que l'après midi. Je n'ai pas manqué de lui narrer le calvaire que j'avais vécu en cette triste matinée, depuis ma sortie de la maison jusqu'à mon retour. Douée d'une extrême sensibilité, elle n'a pu s'empêcher de me faire voir quelques larmes qui descendaient  lentement le long de ses joues. je lui déclarai non sans une pointe d'ironie que ce n'était peut être que le début d'une aventure longue, difficile et pénible, à laquelle je devais désormais me préparer.

            Mon voyage jusqu'à Tunis fut sans incident, bien qu'il ait été pénible et extrêmement fatigant. Le lendemain, à l'aube, après avoir passé la nuit dans une profonde agitation, j'ai pris non sans peine le bus jusqu'à Béja. Le parcours n'en fut pas moins épuisant et ennuyeux, mais j'y suis arrivé quand même à l'heure prévue.

C'est un jour pluvieux, et la terre est encore abondamment trempée par les pluies des jours précédents. La fange est partout, rendant la marche à pied presque impossible. Ainsi, prenant mon courage à deux mains, je parvins, après avoir gravi une montée difficile, à joindre le tribunal, grâce à des renseignements que m'ont prodigués quelques passants.

Là, on m'a orienté vers le bureau du greffier, après avoir évidemment exhibé la convocation que j'ai précieusement conservée dans mon portefeuille. Le secrétaire du greffier entreprend aussitôt de fouiller dans un tas de dossiers, puis passant à un gros calepin qu'il avait à sa portée, il s'est mis à en feuilleter nerveusement les pages et tout d'un coup, il tombe sur le N° de l'affaire tout en m'apprenant avec un calme imperturbable que j'ai été déjà condamné à 2 mois de prison en plus d'une amende s'élevant à cent dinars. J'ai été comme foudroyé tellement la nouvelle a fini par bouleverser complètement mon esprit, pourquoi cette condamnation? Qu'ai-je fait pour qu'on me déchire et qu'on me juge ainsi par contumace? Qu'ai-je fait pour qu'on porte atteinte à mon honneur et à ma dignité, qu'on m'assassine ainsi, alors je ne me rappelle jamais avoir commis le moindre forfait dans toute ma vie? Le secrétaire, calmement, ouvre de nouveau un dossier et me déclara fermement que c'était à cause d'un chèque de cent dinars que j'avais émis à un certain marchand d'étoffes et aussitôt pour corroborer ses dires il s'approche de moi pour me mettre sous les yeux un rapport rédigé au commissariat de Sidi-Bouzid et au bas duquel j'avais effectivement apposé ma propre signature.

            ô horreur...! ô destin fatal! C'est enfin ce chèque qui me harcele toujours! Ce chèque dont je croyais m'être acquitté avec célérité! Ce chèque surgit encore de l'oubli pour m'affliger et me jeter dans la torture! Ce chèque que des circonstances incroyables m'ont conduit à délivrer avec une bonne foi indubitable! Quel malheur, ô mon Dieu! Voilà trois ans déjà passés et cette affaire n'est pas encore enterrée! Serait-il possible que pour une si petite affaire on fasse tout ce grabuge? Et ce chèque, n'est ce pas à une de mes connaissances que j'ai confié? Mais pourquoi donc me poursuivait-on, puisque j'ai réglé mon problème en temps opportun, conformément aux lois en vigueur à l'époque? Pourquoi m'a-t-on condamné du moment que j'en ai été déjà quitté depuis des années? La pénalité... La pénalité...! Mais quelle pénalité? Je n'ai jamais été mis en demeure de la payer. J'ai payé le chèque à l'agence et on ne m'a jamais invité à m'acquitter d'une telle pénalité; et même plus tard, je n'ai rien reçu de l'agence, rien  qui puisse m'exhorter à payer la pénalité en question.

            D'ailleurs qui a transmis cette affaire à Béja. Pourquoi à Béja et non pas à Sfax, comme cela aurait dû être. L'affaire a eu lieu à Sfax et c'est là qu'elle aurait dû être jugée. Pourquoi donc ces déplacements, ces fatigues, ces dépenses inutiles...? Pourquoi...? Pourquoi...?

Condamner à 2 mois plus une amende de cent dinars pour une affaire que je croyais avoir réglé depuis belle lurette: il y a vraiment de quoi mourir de désespoir!

            J'ai failli perdre conscience. Mais l'honnête citoyen, celui qui aime le genre humain; qui abhorre le mal et s'afflige à la misère d'autrui; moi auquel on confie des générations à élever et qui peine sans répit pour ne pas faillir à sa noble mission, moi enfin qui exècre et réprouve l'injustice d'où qu'elle vienne; moi on m'inflige  une condamnation pour rien! Quel malheur terrible! Quelle désolation!

 

VI

            J'ai sollicité une audience au juge qui a rendu ce verdict fatal. Ma demande fut aussitôt satisfaite et après une longue attente devant son bureau, un planton m'y a introduit. Dès mon entrée, je me suis mis à expliquer mon cas et à lui rappeler les péripéties de l'affaire, mon bonhomme parut n'en avoir pas eu la moindre idée et il a demandé alors qu'on lui apporte le dossier, tout en me disant toutefois de faire acte d'opposition, puisque j'étais condamné par contumace, et qu'à la prochaine audience, j'aurais tout loisir de m'expliquer et de me disculper. Il m'a demandé alors de me retirer, en attendant qu'il consulte le dossier.

Quelques moments après, le secrétaire, qui avait apporté le dossier, est sorti du bureau du juge, en me disant que mon affaire sera jugée de nouveau à une date ultérieure et que je ne devais pas manquer de me présenter le jour de l'audience.

            Deux semaines plus tard, j'étais déjà de retour dans la ville de Béja. J'ai franchi le même parcours que la première fois; j'ai subi les mêmes dépenses, les mêmes peines et vécu le même martyre. A la veille de mon départ pour la ville de Béja, je n'ai pas pu fermer l'œil durant toute la nuit, tellement j'ai été comme envahi par la crainte de ne pouvoir arriver à l'heure indiquée. C'est vers quatre heures du matin, pendant que tout dormait encore dans la ville de Tunis, que je suis arrivé à la station de louages, inaugurée tout récemment, mais par malheur, je n'y  ai pas trouvé de voitures desservant la ligne de Béja; en revanche, j'en ai trouvé celles qui allaient jusqu'à Jendouba qui se trouve d'ailleurs sur le même parcours, mais dont le prix du voyage est plus cher. Après réflexion et comme je ne pouvais plus me rendre à la station où se trouve les louages de Béja, je dus me résigner à payer jusqu'à Jendouba.

            Arrivé à 7 heures du matin à Béja, par un temps maussade, troublé par des tourbillons de poussière, je me réfugie dans un café presque encore désert. Là, assis à une table près de la fenêtre, je m'occupais à lire et à réfléchir sur mon sort, attendant patiemment l'heure de l'audience.

            Ne pouvant plus rester dans cet état inactif, je me dirige vers le tribunal à l'intérieur duquel j'ai trouvé déjà un tas de monde. Pénétrant au bureau du secrétaire, je m'adresse à un employé, lui rappelant mon affaire. Fouillant parmi les dossiers entassés pêle-mêle sur son bureau, il en a retiré aussitôt celui relatif à mon problème,puis d'un geste,il me pria  d'attendre dans la salle d'audience. En sortant du bureau, j'ai trouvé que le hall du tribunal, qui était tout à l'heure presque assiégé par des plaideurs de tout acabit ou même des curieux en mal d'informations judiciaires sensationnelles, a été complètement évacué et tout le monde dut présenter une convocation officielle pour y être reçu.

            Me précipitant vers la salle, je m'y engouffre, mais trouvant par malchance que toutes les places ayant déjà été occupées, je me sens réduit à ce moment à me tenir debout, au milieu même du couloir, et ce n'est que plus tard que j'ai pu enfin avoir une place, après le départ d'un plaideur sorti à la barre. Je dus rester là pendant toute la matinée, regardant ce nombre effrayant d'inculpés, ce monde étrange, issu des couches sociales les plus déshéritées. Je contemple ce spectacle de gens hétéroclites; ce tas énorme de dossiers que l'on liquide en un tournemain; ce juge qui parle sans vouloir rien écouter: j'ai été pris comme par un vertige étrange, au point d'avoir failli perdre la conscience à force de voir les ravages de la vanité humaine.

            Quelle justice, mon Dieu! Toutes ces affaires furent-elles donc jugées avec logique et sagesse? Pouvait-on juger de la sorte des affaires dont dépendent le sort et la dignité du citoyen? C'est comme çà que l'on rend justice dans notre pays? Quelle misère incroyable!

            Ainsi pendant que je pensais aux malheurs de la race humaine, une voix m'appela et je dus aussitôt quitter ma place pour me dresser debout devant le juge et ses assesseurs. Sans plus attendre et après l'interrogatoire traditionnel, j'ai entrepris de me disculper, en disant que personne ne m'a invité à payer la pénalité en question et que toute cette affaire repose en effet sur un simple malentendu.

            Brusquement, à peine étais-je au commencement de ma défense que le juge, un jeune coriace, impitoyable,dur et d'une vanité effroyable, leva la main en m'ordonnant de me taire. J'ai souri à cette injonction arbitraire, puisque j'étais en droit de me défendre jusqu'au bout pour prouver ma bonne foi, mais le juge, affichant un comportement bizarre et hostile, m'en a catégoriquement empêché.

            Je dus toutefois me soumettre à cet ordre imprévu et me tenant coi durant la soi-disant délibération, je m'épuisais à anticiper sur le verdict que l'on mijote sous mes yeux dans un silence effroyable.

Enfin la sentence tombe: présentez vous au service anthropométrie; le verdict est reporté pour une audience ultérieure.

            L'anthropométrie! Mais qu'est ce que c'est que l'anthropométrie? C'est de me faire prendre les empreintes digitales et de me laisser photographier de face et de profil comme un vulgaire criminel. Voilà ce que c'est! Et faire tout cela par ce temps lugubre où des bourrasques de sable vous accable et vous déchire l'âme! où se trouve donc ce service? Qui va m'y conduire, étranger que je suis dans cette ville? Je sors du tribunal, après avoir reçu un "bon" adressé tout spécialement à ce service qui aura pour tâche de transmettre une copie de mon "extrait judiciaire". Je traverse les rues en accélérant le pas de crainte d'y arriver en retard, puisqu'il va être bientôt    de l'après-midi et le service ferme en effet à cette heure là. Malheur! En y arrivant, je l'ai effectivement trouvé fermé. J'étais obligé alors d'attendre jusqu'à trois heures du soir. Où vais-je aller par ce temps infernal? Je me décide enfin d'aller me balader, et, m'engageant dans une rue trop hantée par une population, une population dense, massive et de même conditions sociales, affrontant avec une indifférence inouïe les tourbillons de sable qui sévissent incessamment, je me suis rendu compte non sans surprise que c'était aujourd'hui un jour de marché hebdomadaire et ce qui m'a frappé le plus, c'est l'exiguïté des boutiques pourtant fort achalandées en ce jour.

            C'est alors que, ne pouvant plus marcher, submergé de poussière et d'ennui, je pénétre dans un café, que j'ai trouvé bondé de jeunes gens jouant aux cartes et bavardant dans un bruit tonitruant. Je sortis en courant, décidé de rejoindre le service anthropométrie devant lequel j'étais condamné à attendre jusqu'à l'heure de reprise de travail.

            L'employé de service, un homme très compréhensif et d'un comportement extrêmement poli, procéda à la prise de toutes les mesures, même ma tête n'en fut pas épargnée. Ainsi après cette séance pénible, je quittais ce bureau déjà équipé d'un arsenal d'appareils de toutes sortes et ce, après avoir obtenu un "récépissé" attestant que j'ai accompli ces formalités et que j'ai remis ensuite au greffier, je me dirigeais incontinent vers la station des louages et après m'être astreint à une attente longue et fort harassante, je pris le louage jusqu'à Tunis et de là je me rendus à Sfax où j'étais arrivé aux environs de minuit.

 

 Dr Mohamed Sellam

Sellam0@hotmail.com

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3 septembre 2010 5 03 /09 /septembre /2010 19:09

.La dictature des Mass-médias

En Tunisie

Par Mohamed Sellam

Professeur d’Université

Les instruments médiatiques du pouvoir sont sans conteste les moyens audiovisuels que l'on voit partout, qui se font voir plutôt dans chaque coin de l'espace où nous évoluons et même nous les sentons nous envahir à chaque instant de notre existence.

            Ainsi pour que le pouvoir politique s'affirme, s'impose avec une constance infaillible dans notre environnement existentiel, il lui fallait ces instruments, sans lesquels, il risquerait de dépérir, de perdre toute domination, toute puissance sur la masse populaire.

La mass-média donc, c'est ce qui assure la survie et l'omnipotence du pouvoir politique qui refuse, de force, la vertu de la discrétion et de la modestie.

Les mass-médias sont pour lui ce que l'oxygène est pour l'être humain: si cet élément vital venait en effet à manquer, ce dernier risquerait à coup sûr de mourir.

            Or chez nous, c'est le règne exclusif des mass-médias: Le pouvoir ne respire que lorsqu'il

sent qu'il a sous sa domination ces puissants instruments, qu'il utilise selon son plaisir, pour jeter impitoyablement sa mainmise sur les esprits et faire croire que c'est lui qui fait mouvoir notre monde en lui insufflant vie et énergie.

            Alors que c'est tout à fait le contraire qui se produit, puisque ce sont les puissances médiatiques qui agissent sur le monde, qui impriment en lui leur influence néfaste, pour créer l'illusion que tout marche selon des lois naturelles.

            C'est pourquoi l'influence sans borne des mass-médias sur l'esprit populaire a eu pour conséquence immédiate la résignation, la soumission aveugle au pouvoir qui s'érige cependant en dictateur inconditionnel.

            Les lois - pour la plupart injustes et draconiennes- qu'ils promulguent et qui se font sentir en permanence dans notre existence, ne sont pour lui que des moyens répressifs en vue de limiter notre liberté et d'affaiblir notre résistance.

            Pour réaliser plus efficacement la consolidation de ces lois, pour les imposer de force, en les appliquant arbitrairement, les mass-médias étaient en effet de tout temps les moyens les plus rapides et les plus infaillibles.

L'esprit populaire est fragile, perméable, très facile à influencer puisqu'il se soumet bien volontiers à la puissance du pouvoir politique sans manifester la moindre résistance.

Cette tendance s'accentue encore de plus en plus, à mesure que les mass-médias se développent techniquement et que le terrain de leur influence s'élargit indéfiniment pour englober tous les milieux sans distinction.

            Car si les mass-médias rencontrent dans leur expansion quelque résistance de la part des intellectuels et les moins naïfs, elles s'imposent en revanche de façon quasi radicale, sur l'esprit du peuple dans son immense majorité.

            En effet l'aliénation arbitraire du peuple, son ignorance et sa crédulité en toutes choses, sa faiblesse même en face des événements imprévus, l'absence de sa foi dans le progrès et la grandeur des nations, sa subordination passive à tout ce qui fait dans les coulisses du pouvoir, tout cela en un mot procède de l'influence désastreuse des mass-médias.

            Notre peuple est aliéné: il suffit d'un seul mot, d'un seul geste,d'une seule idée, pour lui faire plier les genoux dans une soumission absolue. Il a été pendant plusieurs décennies, manipulé par un pouvoir dictatorial, à tel point que, tout esprit de rigueur, de clairvoyance et de lucidité est annihilé en lui. Il en résulte que, dans les circonstances actuelles, il se sent incapable de juger de façon judicieuse et logique le climat politique où il évolue.

            Le coup d'état intervenu au niveau de la hiérarchie politique le laisse dans une indifférence totale. Il n'a jamais manifesté ni sa désapprobation ni son approbation à ce sujet, c'est ce qui fait comprendre qu'il est loin de saisir ce qui se trame au sein des plus hautes instances du pouvoir.

C'est qu'on peut dire en fin de compte qu'il est le seul dépositaire de mythes et d'utopies, le seul détenteur d'illusions et de chimères, entretenus à l'aise par des médias dont la puissance procède directement du pouvoir.

            Ainsi les phénomènes mythiques se créent de façon factice pour être ancrés ensuite définitivement dans les mentalités et les mœurs du peuple, qui se sent malheureusement comme aliéné, conditionné et même ses actions et réactions sont liées inéluctablement à leur influence mystique.

            Il est sans conteste que le peuple, dans son amalgame hétéroclite, ne pense pas, et que tous ses mouvements sont dus en premier lieu à une espèce d'inconscience absolue.

            D'autre part, compte tenu de la mainmise quasi permanente des médias, les mentalités régressent progressivement pour ne plus réagir qu'en fonction des données préalablement conçues et répandues par ces médias, qui prévoient pour seul objectif, l'hégémonie psychologique sur la masse populaire.

            Effectivement, l'on remarque de nos jours que ces médias ont extraordinairement réussi à s'emparer des esprits et à les faire mouvoir et agir selon leurs tendances.

            De ce fait, ils ont conquis les âmes sans faillir et ils ont produit en conséquence un peuple résigné, passif et superstitieux, n'ayant plus aucun pouvoir de s'affranchir de ces mythes et de ces illusions, que ses instruments de duplicité et d'imposture ont dû entretenir en lui depuis des décennies et qui continuent encore aujourd'hui inlassablement leurs œuvres nihilistes.

            Le monde de la presse est un monde clos, hermétique et semble être dominé par le pouvoir politique, qui agit tyranniquement sur lui, l'étouffant ainsi dans ces griffes impitoyables.

C'est pourquoi on prit l'habitude de voir ce beau monde évoluer vaniteusement autour de nous, acceptant avec plus ou moins de réticence les produits de ses fantasmes et de ses illusions, croyant que nous sommes dupes de ses actes hypocrites.

            Tous nos journaux, déjà marqués du sceau de la vanité et de la bêtise, n'ont aucune valeur et ne sont pas dignes d'être lus.

Ils sont tous, sans exception, manipulés par des journalistes sans scrupule et sans dignité et que l'ignorance maintient dans une sphère fort exiguë, en ne s'adonnant  qu'à la satisfaction immédiate de leur vils intérêts, tournant avec bassesse autour du pouvoir en l'accablant de flatteries mesquines et de flagorneries triviales.

            Tout le monde s'accorde à dire qu'en Tunisie, la presse se penche depuis des années vers le pire et s'enlise de jour en jour dans les méandres de la bassesse et de l'inanité. De nos jours, il n'y a pas un seul journal qui agisse selon les principes fondamentaux de la liberté, de l'honneur et de la justice. Ils ont tendance seulement à nous noyer dans l'inflation d'articles anodins et profondément nuls, ne touchant à aucune réalité de notre société, ne s'intéresse au contraire qu'à ce qui nous est étranger, pour nous faire croire que, dans notre pays, tout va à merveille et qu'il n'y a rien qui puisse être publié et connu.

            Bien plus, notre presse ne porte aucun intérêt aux préoccupations des masses populaires, se livrant uniquement à entretenir les bas instincts de ses dernières, en publiant des choses que répugnent la morale et les bonnes mœurs.

            Cette presse qui prône la médiocrité et la brandit comme une de ses devises les plus en vues, n'encourage en aucune manière les bons écrivains à s'engager en son sein? c'est pourquoi on ne voit pas d'intellectuels réputés s'adonnant à des activités journalistiques. Les bons écrivains se gardent cependant de ce livrer à une telle besogne dont ils ne tirent que déceptions et tracasseries, d'autant plus que le pouvoir politique est toujours là, brandissant le sceptre de la censure et de la tyrannie.

            C'est ainsi que la presse ne remplit pas de nos jours le rôle qui lui incombe et qu'elle tend par contre à induire en erreur le peuple, à mystifier les opinions, et à créer  un monde factice d'illusions et de mensonges.

D'un autre côté, les moyens audiovisuels se trouvent accaparés jalousement par le pouvoir qui entend ne pas transiger dans une telle affaire, puisqu'il règne en monarque absolu sur ces organismes qui influent directement sur toutes les mentalités et à partir desquels il répand ses idéologies malsaines et destructrices.

            Ces organismes qui sont en réalité des propriétés populaires, mais qu'en pratique, ils sont sous la domination exclusive du pouvoir en place, procédant au dopage de la masse, en lui insufflant de  force et d'une manière ininterrompue des choses susceptibles d'être qualifiées de poisons.

            Il faudrait alors libérer ces instruments de la mainmise du pouvoir et de faire en sorte qu'ils recouvrent leur prestige aux yeux du peuple.

            Ainsi leur domination par le pouvoir est une atteinte flagrante à la dignité de la nation: on ne saurait se taire devant cet état de choses qui dure pourtant depuis leur création dans le pays. Le peuple a besoin de liberté et cette dernière ne se concrétise effectivement qu'à travers ces moyens audiovisuels qui sont les seuls à être mis à sa portée, pour exprimer ses soucis, ses tracasseries et les tourments qu'il endure ici-bas.

            Ce qui est vraiment déplorable, c'est que ces appareils ne diffusent que des insanités pour un monde analphabète: on nous gave encore d'émissions sportives et même de feuilletons sans aucun profit et pour la diffusion desquels le peuple paie énormément en le harcelant de  taxes et d'impôts.

            Je crois, pour ma part, qu'il est encore grand temps que ces appareils s'organisent de façon rationnelle et qu'ils soient confiés à des hommes du peuple et qui travaillent pour lui et non pas à des partisans du pouvoir qui en font ce qu'ils veulent sans aucune considération pour le pays et son peuple.

            Ainsi pour tout dire, l'engagement de la presse ainsi que de tout autre moyen médiatique est un devoir et un droit inaliénables.

Or l'engagement de la presse est subordonné à sa libération, de son affranchissement de la tutelle politique. Pour avoir une presse libre, indépendante et engagée au service du pays et de la masse populaire, il convient d'insuffler un nouveau mode de penser dans les mentalités des gouvernants et de les convier à assumer leurs responsabilités historiques vis-à-vis de la nation.

            On sait bien que la liberté, en quelque domaine que ce soit, ne s'acquiert pas au moyen des jérémiades ou des doléances, mais par des actes déterminants et sans faille, seuls susceptibles de rendre à la nation ce qui lui est dû naturellement.

            C'est ainsi que notre presse nationale est invitée désormais à agir et à réagir en vue de l'intérêt commun, sans complaisance ni asservissement à la hiérarchie politique qui vise arbitrairement à l'utiliser à son profit exclusif, sans tenir aucun compte de la dignité et de l'honneur du pays.

            De nos jours, et avec l'évolution constante des mœurs et des niveaux intellectuels, la presse doit - impérativement et sous peine de faillir à son devoir - avoir un destin national.

Quoi qu'il en soit, la liberté d'expression doit, dans notre pays,être  une nécessité vitale, un objectif fondamental pour une perspective civilisationnelle.

            Cependant, ce que l'on voit aujourd'hui, c'est que les gouvernants détiennent exclusivement le pouvoir de canaliser, de diriger selon leur bon plaisir les informations et tout ce qui relève du domaine de la mass-média.

            Ils créent avec profusion des mythes qu'ils détruisent quelques jours plus tard pour les remplacer par d'autres non moins influents.

            Nous devons lutter contre ce comportement pour le moins anti-patriotique cette lourde mission appartient en premier lieu à nos intellectuels et à nos journalistes pour faire face à ces pratiques abusives et malhonnête.

            Pour un dictateur d'aujourd'hui, comme naguère pour Napoléon Ièr, un seul mot est pire qu'un coup de canon. C'est pour cela qu'ils s'emploient à entraver la marche de l'esprit humain, en recourant à tous les moyens fallacieux, d'autant plus qu'ils ne sont pas prêts à lâcher prise et qu'ils sont déterminés, quoi qu'il arrive, à rester maîtres absolus du monde de la presse. C'est là, à mon sens, une mentalité décadente, capable de mener le pays au désastre intellectuel et à la vie primitive.

Les vétérans de la presse, tout comme ceux que l'on considère comme des profanes, doivent comprendre la portée de leur besogne, en s'apposant énergiquement à toute tentative visant leur réduction à l'état d'esclaves au service de l'absolutisme politique.

            Il demeure évident, toutefois, que notre pays ne s'avance que par la liberté de la presse, une liberté responsable, ayant en vue l'intérêt exclusif du peuple, l'affranchissement des esprits de la superstition et des chimères, la réalisation du progrès auquel nous aspirons tous sans exception.

            Nous nous attendons à une renaissance intellectuelle, à un "renouveau" économique et social, à un essor authentique de le vie du peuple, à une éclosion profonde des idées et des esprits, enfin à une tolérance et à une cohabitation pacifique entre les idéologies: cela ne se réalise en effet que lorsque nous saurons arracher notre liberté et la conserver intacte et pure à tout jamais.

   Mohamed Sellam

Professeur d’Université

Sellam06@hotmail.com

0021696068585


 

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16 août 2010 1 16 /08 /août /2010 10:29

 

 

 

 

LE CUMUL DES FONCTIONS

Par Mohamed Sellam

Professeur d’Université.

            Le travail est sacré, on travaille pour vivre, ou pour mieux dire, pour assurer la subsistance nécessaire à la survie de notre progéniture. On travaille aussi pour nous rendre la vie plus acceptable, plus aisée à vivre, une vie où les soucis matériels seront enterrés pendant quelques heures au moins dans l'oubli. On travaille donc par nécessité, par besoin de s'évader dans un autre monde que celui que nous vivons dans la réalité. Le travail demeure en effet un droit, un droit inaliénable, que nul au monde ne peut abroger. Il est par conséquent du devoir de l'Etat, d'assurer à chaque citoyen la tâche qui réponde au mieux à son savoir -faire spécifique, à ses aspirations et à ses facultés.

            Cependant, si un citoyen, par amour du travail, ou en raison du coût de la vie qui ne cesse d'ailleurs de s'accroître indéfiniment, s'engage dans un travail complémentaire pour répondre quelque peu à cette hausse vertigineuse des prix, la loi dans ce cas se dresse-t-elle contre cette initiative? Un citoyen qui, accablé de dettes pour des raisons inconnues, ou se trouvant sous la pression des dépenses inattendues, n'a-t-il pas le droit de mettre ses capacités au service de la communauté? Si, d'un autre côté, il dispose d'assez de loisirs, accepte-t-il volontairement de perdre le temps qu'il aurait mis à profit pour ne pas succomber au besoin et à la privation? Le droit au travail est sacré et aucune loi n'est susceptible d'en provoquer l'annulation.

            Il est vrai que le chômage bat son plein dans le pays, envahissant de façon réellement terrible tous les secteurs de l'économie nationale, mais cela, à mon sens, n'est pas du tout une raison valable pour interdire à des citoyens disponibles et aptes d'assumer des activités marginales. D'ailleurs une telle loi, même si elle s'applique avec rigueur, n'apportera pas, j'en suis persuadé, ses fruits, cette interdiction ne résorbera en aucun cas le chômage qui sévit dans notre société.

            D'autre part, peut-on avoir l'aptitude, je veux dire une aptitude extraordinaire, surnaturelle, pour pouvoir concilier entre plusieurs charges à la fois? C'est ce qui me parait impossible, puisque le force humaine, intellectuelle, et physique, étant extrêmement limitée, il est inconcevable qu'un homme, quel que soit son génie, puisse assurer avec bonheur plusieurs responsabilités simultanées. Parfois même on se sent presque incapable de remplir au mieux et avec conscience une seule tâche, que serait-il advenu alors si l'on s'attelait  à deux ou trois besognes à la fois.

            Donc le cumul des fonctions est en soi une erreur, une erreur que l'on cherche pourtant à camoufler par des moyens détournés et qui coûte cher au peuple qui saigne pour enrichir une catégorie de politiciens vaniteux qui, en plus de leur charge officielle, s'attribuent à eux mêmes des titres et des postes qu'ils n'occupent presque jamais et pour lesquels ils sont pourtant grassement rémunérés.

            Comme on le voit bien, c'est une erreur qui se perpétue ainsi au plus haut sommet de l'Etat, il faut que cet état de choses cesse et que chaque personnalité, de quelque envergure qu'elle soit, n'assume désormais qu'une seule charge; il y va de l'intérêt de l'Etat et de la nation.

            L'idéal c'est que, lorsqu'on nous confie une quelconque responsabilité dans tel ou tel secteur, il serait judicieux de s'y adonner exclusivement en vue de s'en acquitter avec honneur, ce qui nous confère plus de prestige et de gloire, plutôt que de se laisser patauger dans des responsabilités infinies pour se retrouver au bout du chemin dans une situation peu enviable.

Pour dire vrai et pour revenir à l'essentiel le cumul des fonctions n'est il pas un privilège que s'octroient volontiers certains dirigeants de notre pays? Se croient il vraiment des surhommes, des personnalités hors du commun, des génies extraordinaires, incomparables, capables d'être partout et nulle part, pour remplir dans les meilleures conditions leurs multiples fonctions? Il est évident que la raison pour laquelle ils s'arrogent ainsi  ce droit, ce n'est pas du tout par amour pour la Tunisie ni non plus pour servir davantage la nation, mais c'est plutôt la cupidité, l'amour du gain, c'est pour grossir délibérément leurs fortunes, qu'ils prétendent se charger des responsabilités dans plusieurs domaines différents.

            Pourquoi interdit on alors aux fonctionnaires d'assumer d'autres fonctions complémentaires, pour meubler ou combler le peu de temps dont ils disposent? On voit bien d'ailleurs que cette loi est tout à fait déplacée, inadéquate, ne sert en aucun cas la politique qui l'a dictée.

C'est plutôt une mesure qui frise l'arbitraire, inspirée par des considérations sociales d'une gravité inouïe et dont les artisans de cette loi, d'une manière ou d'une autre, sont les vrais responsables.

            Alors que le fonctionnaire, dont le salaire ne suffit même plus à le vêtir contre le froid, se  sent  de lui même réduit à réaliser quelques économies susceptibles de l'affranchir du besoin qui le menace, la hiérarchie politique se baigne dans un univers matériel inconcevable, extravagant.

            Et pourtant ces gens là, jaloux des prérogatives qu'ils s'accordent à volonté, vont jusqu'à légiférer et promulguer des lois contre ceux qui luttent sans cesse pour pouvoir subvenir à leur besoin et au besoin de leur famille.

            Ainsi ils sacrifient leurs loisirs, se privent volontiers du temps qui est destiné en réalité à la distraction et à l'épanouissement de l'individu, se tuent au labeur, pour vivre, rien que pour vivre, pour ne pas mourir d'inanition et de misère. Alors que dans une autre sphère, dans un autre monde, des gens qui, ne connaissant guère la réalité des choses, nageant dans la plénitude matérielle et vivant dans le luxe le plus fantastique, se complaisent à faire publier des lois et à nous les faire subir.

            D'ailleurs, une loi sérieuse ne doit elle pas s'appliquer à tous les membres de la société? Evidemment! Dans une société où il n'y a ni racisme tribal, ni égocentrisme effréné, ni esprit régionaliste, où tous les citoyens sont égaux devant la loi, et où enfin la justice s'exerce de façon impartiale, dans une telle société, l'on est loin de rencontrer ce que réprouve la nature humaine, c'est à dire que tous les droits sont garantis sans réserve, et que tout citoyen, quelle que soit son échelle sociale, peut s'il en a la possibilité et les moyens, accéder à toutes les fonctions. Et s'il est plein de dynamisme et de détermination, il peut en l'occurrence être polyvalent et embrasser les carrières qu'il désire, sans contrainte, bien qu'une telle tentative relève en fait de l'impossible.

            Qu'il soit ministre ou simple ouvrier, le citoyen tunisien est astreint de se soumettre à la loi de son pays, sans quoi le spectre de l'anarchie et du désordre s'estompera à l'horizon et les conflits intestins surgiront pour mettre le pays dans un état déplorable.

            Tout citoyen, du sommet à la base, est donc tenu de respecter la loi, que l'on a acceptée volontiers, en particulier celle touchant l'interdiction du cumul des fonctions, et qu'enfreindre une telle loi,constituerait une infraction aux régles du jeu,un acte préjudiciable à l'honneur et à l'esprit du consensus social.    

Prof.Mohamed Sellam

0021696068585

Sellam06@hotmail.com

 

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15 juin 2010 2 15 /06 /juin /2010 19:23

myphotoEthnocentrisme et Népotisme

En politique

Par Mohamed Sellam

Professeur d’Université.

 

            Quelles sont en réalité les causes essentielles du phénomène des disparités sociales et leurs incidences sur le développement spirituel et temporel de la nation? Si l'on voulait en dépister les causes fondamentales, il faudrait remonter à des temps immémoriaux où le peuple était alors scindé en tribus hostiles et antagonistes. Cette mentalité s'est par malheur perpétuée jusqu'à nos jours, en dépit de la disparition des frontières entre les villes et la fusion radicale de tout le peuple en une nation homogène, solidaire, pacifiste et dont l'histoire glorieuse est profondément enracinée dans le passé. Cette histoire que nul au monde n'ignore a déjà façonné notre âme et conçu notre présent. Les générations passées ont subi les empreintes indélébiles de la gloire et de l'honneur. Et plus près de nous, des tunisiens se sont en effet volontairement sacrifiés pour que la génération actuelle survive et goûte au plaisir de l'honneur et de la dignité; ce sont nos chers martyre en hommage desquels nous devons nous prosterner, ce sont ces martyre qui, dénués de tout sentiment d'égoïsme, sacrifiés pour des idéaux de justice et d'honneur, mus par un dévouement suprême pour la patrie, ont bel et bien construit notre histoire contemporaine. Ainsi malgré ce passé commun cette histoire que nos ancêtres avaient édifiée avec leur sang et leur sueur, nous végétons encore dans un univers où la mentalité régionaliste, voire discriminatoire, subsiste de façon ostensible. C'est comme une obsession ancrée dans notre esprit et dont il ne nous est pas possible de nous défaire, tellement nous nous sentons portée nostalgiquement vers ce terroir ou cette ville dont nous étions originaire. Ainsi nous pataugeons dans l'erreur sans que nous nous en apercevions.

            Les classes sociales se haïssent, parce qu'elles se méconnaissent, parce qu'il y a toujours chez nous une classe qui domine l'autre parce que nous ambitionnons le pouvoir et nous brûlons d'y rester même au risque de notre vie, parce que pour nous, citoyens naïfs et crédules, le pouvoir c'est une arme qui nous protège et avec laquelle nous nous défendons avec l'espoir de remporter la bataille, enfin parce que nous croyons que le pouvoir est tout et que c'est dans son sein que tout se réalise, même les rêves les plus irréalisables et que toute personne détenant une parcelle de pouvoir, si infime soit-elle, est, à nos yeux, intouchable, planant au-dessus de tous et capable de faire ce que bon lui semble, sans qu'il rencontre la moindre anicroche. Le pouvoir est un leurre, une supercherie dans laquelle on se plaît à vivre et que l'on entretient sans en connaître les conséquences. La classe inférieurs se tue au travail pour nourrir la classe supérieure, celle qui détient le symbole du pouvoir. La servitude de l'une sert la gloire de l'autre, c'est un état de choses qui continue à se perpétuer peut être indéfiniment et c'est de ces conditions négatives que naissent forcément les inégalités entre les différentes couches de la société. Ainsi la couche inférieure rampe, trime, peine sans relâche, sans qu'elle reçoive en contrepartie ce qu'elle mérite. C'est parce qu'elle est frappée d'injustice, qu'elle nourrit une haine infernale à l'encontre de la classe dominante, même au niveau des régions, cette calamité subsiste: un mépris quasi perpétuel se manifeste au niveau des rapports d'une région à l'autre, et ce qui a creusé davantage le fossé d'incompréhension et de malentendu entre ces régions, c'est encore l'attitude incompréhensible de certains dirigeants à vouloir manifestement octroyer des privilèges et d'autres bénéfices substantiels aux régions dont ils sont issus. Telles sont enfin les causes réelles de ce déséquilibre flagrant que l'on constate au niveau des régions, ce qui a provoqué un effondrement néfaste dans le cadre des relations humaines, une absence de l'entraide, de la solidarité nationale, ainsi que du progrès réel en matière de rapprochement et de coopération saine et fructueuse.

            Mais pourquoi avons-nous cette tendance à vouloir privilégier nos proches au détriment de nos concitoyens? Cette tendance qui frise la ségrégation raciale est ce qu'il y a de pire dans notre société qui aspire par-dessus tout au mieux être: c'est une mentalité rétrograde qui n'ira pas loin, puisque l'on s'apercevra par la suite qu'un tel comportement est dû à une erreur, une méprise que l'on cherche pourtant dans son for intérieur à camoufler, puisqu'elle trouve son origine dans une espèce d'orgueil et de vanité, nés à la suite du poste important mais éphémère que l'on occupe. Les droits et privilège que l'on accorde plus particulièrement à la région à laquelle nous appartenons si l'on est bien placé pour le faire est un acte mesquin vil, affectant profondément les liens fraternels que l'on cherche à instaurer entre toutes les régions et citoyens d'un même pays, sapant les fondements de l'unité nationale, qui est le symbole de l'identité de la nation tunisienne.

            D'ailleurs il pourrait y avoir un facteur psychologique latent à l'origine de cette motivation, de cette impulsion quasi irrésistible de vouloir à tout prix glorifier, vanter tout ce qui se rapporte de près ou de loin à la région dont on est originaire, c'est un sentiment d'infériorité, un sentiment qu'on ne peut pas maîtriser aisément, c'est un sentiment inné, hantant les facultés psychiques de celui qui voulait tenter de mettre sur le piédestal les qualités de sa région tout en médisant des autres. Une telle tendance a pu se trouver chez certains célèbres dirigeants contemporains, on octroie sans honte aucune un budget spécial à sa région, un budget s'élevant parfois à trois ou quatre fois le budget que l'on destine à une région plus vaste et d'une population trois ou quatre fois plus dense, on consent encore à accorder des titres et des honneurs aux citoyens de sa région, leur réservant les meilleurs postes et les meilleures places dans la haute administration, de l'argent, on n'en lésine pas, puisque notre générosité est à cet égard sans bornes.

            Tel est encore le vrai mal de ce siècle maudit, où l'on voit le peuple meurtri, accablé de misère et d'indigence, martyrisé dans sa chair et dans son âme, exsangue et famélique, tandis qu'une poignée de parasite de monstres assoiffés d'argent et d'honneur, sucent encore son sang jusqu'à la dernière goutte, pour en faire profiter leurs proches, en répandant à droite et à gauche les deniers publics, sans se rendre compte le moins du monde des conséquences fatales qui découleront d'un tel comportement antipatriotique et criminel.

            Cet esprit ségrégationniste se manifeste au niveau de certaines régions, c'est pourquoi l'on remarque une expansion réelle, une véritable prospérité, dans quelques régions côtières: une infrastructure routière remarquable, des édifices de haute valeur architecturale s'érigent à vue d'œil en nombre toujours croissant, des villas luxueuses, imposantes poussent comme des champignons, de vastes espaces verts s'étendent à l'infini en vous invitant complaisamment à vous y balader pour oublier les chagrins qui rongent vos entrailles, des monuments de grande importance dont l'édification aurait coûté des sommes incommensurables, mais dont l'utilité reste pourtant douteuse, émergent au milieu de vastes esplanades et enfin des hommes au visage radieux, le sourire aux lèvres, l'habit d'une confection impeccable et d'une propreté immaculée, le regard reflétant la paix de l'âme et du cœur, des rues pleines d'animation, chacun vaquant à ses affaires, on se hâte, on se presse, on est pressé, toujours à la poursuite de la fortune et du gain: tout témoigne d'une aisance matérielle que rien n'affecte et ne détériore. Voilà ce que l'on voit du côté des régions côtières.

            D'un autre côté, reportons un peu nos regards vers ces régions perdues à l'intérieur du pays et explorons en toute objectivité les spectacles quotidiens qui s'offrent à nos yeux, des routes si exiguës qu'elles peuvent à peine permettre le passage d'un seul véhicule, sans parler de ces innombrables ornières qui en ravagent la chaussée, provoquant de multiples accidents mortels, des masures juchées sur des coteaux perdus dans le désert, des gîtes étroits bâtis en argile abritant des citoyens que la vie épuise et tue à petits feux, du chômage, ce spectre horrible que rien n'a pu dompter harcelant sans répit la population la plus jeune de la région, suscitant ainsi le désespoir des familles en les condamnant à la misère la plus cruelle, des rues bondées de pauvres gens à la recherche de leur pitance, les yeux hagards et le visage exsangue, meurtris par l'angoisse et la faim .Des tas d'ordures oubliés là depuis des mois sans que la mairie daigne enfin s'en apercevoir, laissant la voie libre à une multitude d'insectes nuisibles voltigeant gaiement ça et là en débandade; des nuages de poussière planant à hauteur d'homme, aveuglant impitoyablement cette foule de gens déjà abattus par une misère infinie, une chaleur étouffante qui vous épuise et vous abat en un instant, sans que vous trouviez le moyen de vous en échapper, c'est ce qui se passe en effet en période estivale. Tandis qu'en période hivernale, on patauge péniblement dans la fange, la ville s'étant muée en un vaste marais, difficile à traverser même en voiture, le centre même n'en est pas épargné, puisque des flaques d'eau s'étalent partout, entravant la circulation, des fossés infranchissables se dressent devant vous, vous empêchant de continuer votre chemin. Et enfin une population hideuse, exsangue, minée même par des vermines, assaillie par la faim, accablée sous le poids d'une misère éternelle, cette population se traîne, l'air épuisé et chagrin, dans les sombres ruelles de ces villes déjà défavorisées par la nature et délaissées par le pouvoir et ce qu'il y a de pire encore, c'est que cette population semble être soumise passivement à cette misère perpétuelle qu'elle accepte bien volontiers et qu'elle entretient même par la farniente et l'oisiveté, dues à une absence de sensibilisation et à une injustice sociale flagrante.

            Pourquoi ces villes, en dépit de leur longue histoire, sont elles restées dans ces conditions lamentables? A quoi est dû l'échec de la justice sociale? N'est-ce pas au gaspillage et à l'abus dans l'édification des monuments inutiles que l'on voit dans les villes prospères?

A vrai dire, il n'y a pas d'équité dans la répartition de la richesse du pays, tout se fait selon des mesures arbitraires, il y a ceux qui sont favorisés grâce à leur présence quasi éternelle sur la scène politique, s'octroyant la part la plus grosse de la fortune nationale, s'enrichissant ainsi sans peine ni souci. Il y a les autres qui sont enterrés dans l'oubli, ceux qui végètent dans l'ombre, trimant en silence et souffrant sans mesure dans un univers clos: ce sont ceux qui n'exigent rien, qui n'ont rien à  exiger, qui donnent plutôt leur sang et leur cœur sans rien demander en contrepartie.

            Ainsi défavorisées, frappées parfois par des mesures autoritaires, dominées par le pouvoir qui réclament d'elles plus qu'il n'en fallait, accablées par une hausse des prix toujours ascendante, suscitant en  elles, misère et frustration, faute de moyens pour satisfaire les besoins les plus élémentaires, méprisées par la haute hiérarchie sociale qui se baigne, elle, dans l'aisance matérielle, grâce à des prérogatives conquises sans aucun mérite évident, ces couches sociales se résignent pourtant à vivre dans leurs conditions sans réaction, sans un mot, rien que des larmes que l'on verse en catimini: pas de mouvement, pas d'animation, pas de projets industriels de grande envergure, pas d'essor de caractère économique, pas de modernisation non plus, pas de crédits pour la revalorisation d'immenses terres à l'abandon, aucune initiative en perspective, rien si ce n'est l'inertie quasi-totale, l'absence de culture intellectuelle, c'est là que réside la vraie stagnation sociale économique, on vit dans la méfiance, la haine, le manque de solidarité et d'amour. Et pourtant on s'y résigne.

            Alors en quoi consiste l'amour de la patrie? Est-ce dans la manière de servir une catégorie aux dépens d'une autre? Est-ce dans l'accumulation illégale de la fortune? Est-ce dans l'amour de soi, dans l'attachement exclusif au pouvoir pour servir ses propres intérêts? Non l'amour de la patrie passe d'abord par l'amour de nos concitoyens!

            On se sacrifie pour sa patrie, pour chaque parcelle de terre qui nous avons vu naître et grandir, pour chaque chose que la nature a placé là, pour l'air que l'on y respire, pour notre histoire et notre civilisation, pleine de prestige et de grandeur, mais aussi pour des idéaux et des principes suprêmes que nul n'ose enfreindre sans être taxé de traitre et de renégat, et enfin pour notre dignité et notre honneur: tout cela constitue la nation à laquelle nous appartenons et la nation ce sont en effet nos concitoyens qui ont soif plus que jamais d'un peu de justice, d'égalité et de liberté.

 Dr.Mohamed Sellam.

Professeur d’Université.

SFAX


 

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15 avril 2010 4 15 /04 /avril /2010 20:12

 

LETTRE OUVERTE AUX  DIRIGEANTS ARABES

ou

LA CRISE DE LA CONSCIENCE POLITIQUE

Par Mohamed Sellam

Professeur d’Université.

 

            Le pouvoir absolu est-il efficient pour la construction d'un Etat moderne? Il est évident que l'absolutisme du pouvoir ne mène à rien, puisqu'il est de nature à entraver toute forme d'initiative et de progrès. C'est un obstacle  à la prospérité sociale du fait que cette dernière ne s'épanouit qu'à la faveur de la liberté, principe fondamental dans tout Etat politique et sans lequel rien ne saurait vivre et prospérer. Détenir jalousement les rênes du pouvoir, être l'unique centre de décision et le moteur de toute chose, faire de la démocratie, qui est à coup sûr  le fondement authentique de toute vie  laborieuse,sa propriété exclusive, cela revient en effet à imposer un frein à la marche du peuple et à l'acculer par là même à végéter dans l'ignorance et la misère. Certes la dictature est un phénomène bien répandu de nos jours, en particulier dans les pays qui viennent de s'affranchir, au prix de durs sacrifices, du joug du colonialisme aveugle, pour tomber ensuite passivement dans le giron d'un autoritarisme politique plus cruel et plus despotique encore, puisque, si l'étranger s'approprie vos biens, s'attribue le droit exclusif de gérer le pays tout en pensant à ses propres intérêts et en contrepartie, vous octroie la liberté de disposer de vous mêmes, n'entravant en aucun cas votre marche en avant, contribuant même avec plus au moins de sérieux à l'épanouissement de votre talent et à l'éclosion de vos idées, le pouvoir actuel, outre qu'il vous spolie de vos droits et vous accule presque à la disette, tue en vous toute volonté, torpille votre énergie et vous empêche même de vous exprimer et d'avoir une position franche sur les problèmes nationaux qui  touchent le système social et politique de la nation.

            Donc il demeure incontestablement vrai que la dictature politique, au lieu d'exercer un contrôle strict sur tout ce qui intéresse l'Etat et d'assurer à celui-ci dynamisme et vigueur, favorise la prolifération des problèmes à tous les niveaux et ne contribue en rien à la croissance économique et sociale.

            Le peuple à besoin de respirer, de vivre dans la paix et la liberté, de participer directement à la politique du pays et d'être consulté par tous ceux qui veillent à la destinée du pays, il n'a que faire d'être relegué au fond de l'oubli, il est désormais en mesure d'exprimer, loin de tout chauvinisme sentimental et des passions puériles, son opinion sur toutes les affaires de l'Etat.

            D'ailleurs les libertés politiques et civiles sont- elles effectivement garanties? Si l'on se penche de plus près sur ce problème crucial, l'on s'aperçoit à coup sûr que toutes les libertés sous toutes les formes ne sont absolument pas assurées ni protégées par des lois et même si l'on suppose que la constitution en faisait état et qu'elle les garantit à tous les citoyens, sans discrimination aucune, lorsque l'on en arrive à la pratique, l'on se rend compte avec douleur que cela relève de l'utopie, car les libertés, si elles ne sont pas le plus souvent bafouées et violées par des actes pour le moins tyranniques, elles sont désavouées, voire totalement méconnues par le pouvoir, qui accapare à lui seul, ces libertés qu'il dénie farouchement aux citoyens.

            Il est vrai que les libertés ne s'offrent pas pour ainsi dire sans effet, mais qu'elles doivent au contraire être acquises par des luttes interminables, cependant notre nation, qui fut exploitée et meurtrie pendant des décennies sous la tyrannie du colonialisme étranger, qui fit preuve pour le moins qu'on puisse dire d'un impitoyable et irréductible despotisme, cette nation dans son ensemble a inlassablement combattu, au point d'en arracher avec honneur son indépendance totale. Cette gloire, c'est au peuple seul qu'elle revient, c'est à ce peuple, artisan de son propre destin, que l'on doit rendre un vibrant hommage, pour les nombreux sacrifices qu'il a consentis pour sa délivrance finale. A présent, c'est au peuple qu'il incombe d'arracher les libertés dont il a besoin pour vivre et s'assurer les progrès nécessaires à sa survie en ce monde difficile. Depuis bien longtemps que l'étranger a bien évacué le sol national, c'était aux yeux du peuple, l'avancement d'une nouvelle ère de bonheur et de prospérité, mais voilà que l'on se détrompe et que l'on s'aperçoit avec une profonde tristesse qu'il n'en est rien, que l'indépendance arrachée, qui devrait garantir au peuple honneur et liberté, n'est en réalité qu'une chimère, une illusion, une vision éphémère qui s'est évanouie dans les longues suites de la souffrance et de l'oppression.

            L'homme dans ce régime autoritaire, n'est plus qu'un instrument passif qui doit obéir sans réticence, si non c'est la fin qui doit l'attendre aux portes de l'enfer, dans ces sombres caveaux ,où séjournent actuellement des prisonniers qui ont osé dire avec courage et détermination qu'ils n'accepteraient ni la tyrannie ni l'arbitraire, en réclamant à haute voix l'instauration des libertés politiques et civiles, de la justice sociale, la répartition équitable des revenus, la participation active du peuple à la prise des décisions, la suppression de la censure, la promulgation des lois justes appliquées à tous les citoyens sur le même pied d'égalité, sans distinction, l'abolition enfin des privilèges que l'on octroie à des gens sans mérite, parce qu'ils affichent hypocritement un esprit de fidélité et de loyauté aveugle  à l'endroit du pouvoir en place, ou parce qu'ils s'épuisent en éloges flatteurs, déplacés et mesquins, qui sont autant de hontes aussi bien pour ceux qui les disent que pour ceux qui les écoutent.

            D'ailleurs les dirigeants actuels ne sont-ils pas mus  par une sorte d'égocentrisme manifeste? L'amour du pouvoir, l'obstination que l'on a à ne pas vouloir céder à des compétences nationales le sceptre de l'autorité, cette propension étrange à vouloir être adulé et comblé d'éloges même fallacieux,ce goût maladif pour le culte de la personnalité,ce comportement pour le moins bizarre n'est motivé que par un égoïsme morbide, un amour-propre hideux, un sadisme latent qui aspire en fait à être entretenu par la misère populaire, le mépris des valeurs humaines, la méfiance que l'on voue à tous les talents politiques du pays, qui émergent pourtant dans l'ombre, de peur d'être menacés et perdus à jamais, l'attachement que l'on manifeste délibérément à vouloir mettre en exergue des qualités factices et dérisoires, ce sont là en effet les vraies caractéristiques de l'égocentrisme politique, qui n'a qu'un seul but, c'est de se perpétuer dans et par le pouvoir, pour en faire un instrument répressif, car l'essentiel pour ce phénomène , c'est encore vivre aux dépens de la volonté populaire, qu'il a déjà impitoyablement muselée , puisque, en dépit du marasme social, des carences dont souffre l'économie nationale, de la misère qui sévit dans le pays, cet état de choses continue pourtant à se perpétuer irrémédiablement. L'égoïsme hideux, inhumain, impitoyable, dont font preuve la plupart des dirigeants, tue tout esprit de progrès et contribue sur une grande échelle à propager l'ignorance et le paupérisme parmi les masses du peuple.

            A qui incombe alors la crise socio-économique qui sévit actuellement dans le pays? Si ce n'est à cette attitude vaniteuse et égoïste qu'affichent les responsables politiques actuels? Cette crise n'est pas due du tout à des facteurs exogènes, la crise ne tombe  pas du ciel pour venir s'installer douillettement là où elle veut, elle est plutôt née dans le pays, en fonction des données politiques dont ils sont les artisans, faisant ainsi surgir des éléments endogènes qui se sont conjugués pour favoriser l'explosion finale d'une telle crise qui a terriblement secoué en particulier les couches défavorisées de la société.

            Les calculs des dirigeants  actuels sont faussés par la réalité, une réalité terrible, difficile à croire, mais c'est quand même la réalité toute nus et celui qui refuse d'y croire, serait probablement sous l'influence d'une chimère qu'il  entretenait  longtemps dans les replis de ses pensées.

            Oui la réalité que nul pourtant n'ignore, s'accentue de jours en jour, pour faire voir à tous qu'il ne suffit pas d'avoir le sceptre de l'autorité pour gouverner, gérer, administrer sainement une nation, il y a encore d'autres critères qui font de nos jours gravement défaut, c'est l'amour de la patrie, un amour réel, authentique, pur et non pas cet amour qui est né de l'hypocrisie et de l'égoïsme, c'est aussi le sacrifice de soi pour les causes nationales, en mettant au premier plan, en quelques circonstances que se soit, l'intérêt du pays et du peuple. Si nos hommes politiques avaient fait preuve de ces qualités primordiales, s'ils avaient pensé avant tout au pays et non pas à eux-mêmes, nous n'aurions évidemment pas souffert des conséquences néfastes de la crise actuelle. Si le peuple souffre à présent sous le poids de la misère et de la contrainte, ceux qui détiennent le pouvoir en sont épargnés, ils sont loin en effet d'imaginer les affres de cette crise qu'ils traitent du haut de leur tour d'ivoire.

            Ils ont provoqué cette crise, par leur nonchalance, leur absence de dynamisme, leur inaptitude à prendre des décisions équitables, leur manque d'ardeur et d'amour pour le peuple, et enfin par l'incapacité où ils sont de gérer les deniers publics avec une rigueur rationnelle et une compétence authentique.

            Les dirigeants qui prétendent être de vrais patriotes, qui luttent dans l'intérêt du peuple et pour le progrès du pays, ces dirigeants savent- ils vraiment ce que c'est que le patriotisme.

Le patriotisme n'est pas le pouvoir; ce n'est pas parce qu'on est investi du principe d'autorité, qu'on peut se dire patriote, au contraire, l'autorité ne confère en aucun cas l'esprit de patriotisme, elle agit plutôt dans le sens inverse, en corrompant, en tuant dans l'individu toute dignité et tout honneur. C'est en effet à ce moment que le vrai patriotisme apparaît dans toute sa pureté, c'est à l'issue de cette lutte interminable entre l'amour du bien et l'inclination instinctive vers le mal, c'est un combat que l'individu se livre en lui- même, pour se montrer en fin de compte vainqueur ou vaincu, le vainqueur, c'est celui qui s'attache de manière exclusive à servir sa partie avec honneur et abnégation, c'est celui  qui se manifeste en tout évidence l'amour de la justice, la vertu, le désintéressement, le sacrifice de soi pour le peuple qui l'a mis ainsi au sommet du pouvoir, en l'investissant d'une confiance aveugle, c'est aussi être nanti de grandeur d'âme et de noblesse d'esprit, qui stimulent en lui les actions les plus insignes.

            Le vaincu, c'est celui qui se laisse entraîner par l'amour de soi, c'est celui  qui se cramponne au pouvoir pour être à même de satisfaire ses propres besoins matériels, c'est celui qui aime le pouvoir pour avoir le plaisir de dominer, d'exercer une espèce de sadisme morbide, de montrer ses griffes quand ses propres intérêts sont menacés, de vivre dans le luxe et l'abondance, alors que la nation souffre de misère, c'est en un mot, celui qui, se livrant hypocritement à la démagogie, cache en son sein un mépris latent vis-à-vis du peuple et pourtant pour lui, le patriotisme, c'est gouverner, c'est prétendre être l'incarnation du peuple, son libérateur potentiel, duquel dépend désormais sa survie et sa prospérité, voilà    où aboutit en fait cet esprit malade du pouvoir, autour duquel vivent aussi une poignée de sangsues insatiables ces gens de la haute hiérarchie, qui se croient être au service du peuple, alors qu'ils ne sont là que pour assouvir leurs désirs et accroître leur fortune.

            Oui, le peuple souffre de misère et d'inanition! Le peuple affronte une crise dont vous étiez les vrais responsables! Il est alors grand temps que vous vous réveilliez de votre léthargie et que vous vous mettiez à réfléchir sérieusement sur les problèmes qui vous submergent. C’est de votre faute que le peuple gémit sous  le joug  de l’ignorance et de la misère,oui c’est de votre faute,, puisque vous vous obstinez à rester au pouvoir et à vouloir perpétuer indéfiniment votre mainmise sur les affaires de l'Etat.

            Certes, vous n'avez pas servi le pays avec conscience, vous avez servi plutôt une idéologie, un parti, par le biais duquel vous avez cherché à vous imposer en vous métamorphosant en une oligarchie puissante qui suce les deniers publics, une oligarchie unie, solide, inébranlable, s'organisant autour d'un parti dont toute la force réside en effet dans l'hypocrisie et le mensonge.

            Sinon comment peut-on avoir l'impudence de traiter le peuple comme un troupeau de moutons? Ce peuple qui a donné son sang, son âme pour que le pays renaisse des cendres et des ruines qu'un colonialisme cruel avait semées partout! Ce peuple qui affronte aujourd'hui la misère la plus affreuse, que vous avez provoquée par votre négligence et votre égoïsme! Ce peuple enfin que vous osez prendre pour une bête de somme,  vous nourrit, vous engraisse et même  prêt à donner son sang  pour que vous  viviez ; juguler la presse, source fondamentale de culture et de savoir, avec l'arrière-pensée de vouloir laisser le peuple plonger dans son ignorance et sa faiblesse, majorer  indéfiniment  les impôts pour que le peuple saigne et se tue pour pouvoir s'en acquitter, persécuter inlassablement les vrais nationalistes pour avoir exprimé librement leur opinion sur les affaires qui intéressent la nation,s'emparer de l'appareil judiciaire pour en faire sa propriété exclusive, tordre le cou au parlement en lui intimant l'ordre de se prosterner   devant  vous afin que vous puissiez donner libre cours à l'injustice et à l'abus du pouvoir; s'approprier la richesse du pays en laissant le peuple languir dans la famine, dire enfin que votre règne est celui de la prospérité et de l'opulence, si ce n'est pour vous seuls, vous que le pouvoir a corrompu jusqu'à la moelle,   que le martyre du peuple n'a jamais touché! Vous enfin qui vivez dans la plénitude matérielle et la dépravation! Rassurez-vous, vos jours sont comptés.

                                                                                      Dr..Mohamed Sellam.

                                                                                         Universitaire  à Sfax

                                                                                              021696068585

                                                                                         mardi 26 janvier 2010

                                                                                     

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26 mars 2010 5 26 /03 /mars /2010 17:45

 

LA DICTATURE DE LA CENSURE

OU

LA MUSELIERE

Par Mohamed Sellam

Professeur d’Université

 

            La critique est en soi un acte positif, une attitude nécessairement réformatrice,qui prendrait à tâche de trouver le remède adéquat à la chose critiquée. Critiquer, c'est exprimer une opinion contraire à celle déjà connue, c'est une action libertaire par laquelle l'individu  procéderait  à faire état de son approbation ou de sa désapprobations, ce n'est pas une position paradoxale, mais une position qui se veut plus réaliste, plus proche de la réalité, selon l'aptitude et le comportement du critique ..

            Ainsi le journaliste qui embrasse la carrière de critique, demeure pour nous un réformateur, un partisan zélé de ce qui est meilleur, plus beau et plus rationnel. Cette tâche est des  plus pénibles, en ce sens qu'un critique doit avoir un esprit universel, apte à cerner tous les aspects des problèmes qui se posent à l'esprit humain, c'est un penseur réaliste et non pas un visionnaire qui se complaît dans l'utopie, c'est un idéaliste certes, mais un idéaliste qui aspire à la transformation de la mentalité actuelle, dans une perspective qui s'estompe  dans la réalité socio-économique, foncièrement évolutionniste et progressiste, en vue d'un devenir meilleur, où l'on voit toutes les divergences aplanies et où toutes les idées travaillent dans l'intérêt commun.

            La satire sociale contribue en effet à une prise de conscience réelle. Les tares ou les travers,une fois dévoilés et mis à nu, sont aisés à détecter et par là,à guérir, grâce ainsi  à la découverte des causes latentes. Une telle satire, si acerbe et mordante qu'elle soit,, n'ébranle cependant ni les institutions sociales ni les mœurs, puisqu'elle se borne en principe à extirper les racines du mal, en vue d'y trouver le remède approprié.

            D'autre part, une critique faite même dans une perspective politique n'entend en aucun cas offenser les politiciens, qui devraient pourtant se réjouir de voir les déviations malencontreuses de la politique de notre temps. D'ailleurs cet univers est extrêmement vaste et ne saurait faire l'objectif d'une simple critique, entreprise souvent au hasard et sans aucun motif apparent. Lorsqu'un politicien se trouve par malheur mêlé à un scandale quelconque et que la presse, vite saisie de l'affaire et sans égards  à sa réputation ni à son passé de militant, s'acharne sur lui, pour mettre en évidence le bien-fondé de ce scandale et démontrer publiquement toute les péripéties, dussent-elles conçues par l'imagination, qui supplée d'ailleurs à tout, même à la vérité. Ce politicien, sans qu'il ait à recourir à la justice, pour poursuivre le journal  en diffamation   et divulgation d'informations mensongères ou même blasphématoires,  aura toute latitude de publier en toute aisance une réponse par le biais de laquelle il aura la possibilité de plaider sa cause et de justifier son innocence.En tout cas, c'est une défense légitime à laquelle il a pleinement droit.

            La censure est un phénomène aberrant, c'est une tyrannie terrible que tout le monde réprouve, un acte draconien, qui relève d'un esprit primitif et décadent. Elle nous fait reculer de plusieurs siècles en arrière, pour nous faire plonger dans l'époque médiévale, où l'Inquisition,armée de fanatisme et de barbarie, exerça une oppression quasi sanglante. Elle entrave de façon irréversible notre progrès et freine notre marche vers la prospérité et le développement économique. Car condamner un journal, de quelque tendance qu'il soit, c'est entraver l'avenir de l'humanité. Un journal, c'est une étincelle, une image véridique reflétant l'esprit et la mentalité de tout un peuple et s'y opposer ou le suspendre même pour une durée déterminée, en guise de sanction, c'est flétrir l'âme de ce peuple, c'est porter atteinte à sa civilisation, à sa dignité et à sa gloire.

            Toute l'humanité ne marche que par des idées, qu'elles soient  salutaires   ou même subversives pour ceux qui craignent de perdre leurs intérêts ou de se voir un jour frustrer de ces prérogatives dont ils se flattent. Les idées seules font la grandeur des hommes et des peuples, leur histoire y est inhérente et indissociablement subordonnée. Les journaux renferment dans leur sein les germes du progrès de l'avenir, c'est pour cela qu'ils font peur aux politiciens actuels, dont l'esprit rétrograde empêche les peuples, déjà plongés dans une ignorance et une apathie intellectuelle incroyables, d'avancer et d'évoluer vers un devenir meilleur et ce, de crainte de perdre leur autorité.

            Censurer ou condamner un journal, c'est faire preuve d'une profanation inqualifiable, une abomination qui relève en fait d'une tendance despotique. Un régime politique sain, juste, réellement populaire, ne devrait pas craindre la propagation des idées, au contraire il afficherait à son égard une certaine sympathie, incitant indirectement à l'émancipation des esprits des griffes de l' aliénation et du sous-développement social qui sévit d'ailleurs de façon effroyable au niveau des couches les plus défavorisées.

            Un régime, comme je l'ai souligné, qui se veut progressif, dynamique, ne cherchant que l'intérêt du peuple et rien que cela, sûr de ses options, de sa dimension nationale, de ses capacités et enfin de sa justice vis-à-vis du peuple qu'il gère, un tel régime ne doit en aucun cas avoir peur des journaux ni des idées qui s'y expriment.

            N'est-ce-pas que la censure est, en somme, un affront, une offense faite à l'histoire et à l'humanité? Certes, la censure est un outrage à l'opinion universelle; la censure tue en nous toute tentative de création et d'innovation et en conséquence favorise et provoque la stagnation intellectuelle, économique et sociale. La pratique de la censure est issue d'une position arbitraire, égoïste, antagoniste, ennemie de toute évolution. L'histoire ne se fait que par une action dynamique, touchant à tous les domaines, pour assurer pérénnité et gloire à la civilisation qui se construit, d'ailleurs elle aussi, par la parole et l'action.

            La censure est un obstacle évident à la construction de l'histoire: elle impose une nouvelle forme de despotisme anachronique et cruel, qui réussit en tout cas, mais pour une durée momentanée, à mettre un joug à la liberté d'opinion et au progrès social.

            L'élite intellectuelle contemporaine, assaillie par une censure farouche et coriace, empêchée dans ses tentatives d'ouvrir de nouveaux horizons dans le domaine du savoir, emprisonnée de force dans une situation statique, humiliée parfois par des actes inadmissibles et même poursuivie,persécutée tout le temps, cette élite se trouve en fin de compte acculée à la résignation et à se réfugier dans un silence quasi impénétrable. On condamne les journaux, porteurs du savoir et de la bonne parole; on les brûle, on les enterre à la hâte, de peur que la masse ne les lise et n'en connaisse la vérité qui y est dite: c'est là un acte hypocrite et vil!

On arrête les journaux, mais on ne tue pas la vérité qui est toujours vivante, car elle est incessible et un jour elle se montrera à nu.

Mais est-il possible de réaliser des progrès sans une presse libre, indépendante, qui est seule habilitée à faire de la critique des tares qui sévissent dans notre monde? D'ailleurs de quelle presse parle-t-on?

            Existe-t-il vraiment une presse libre, intelligente, ayant le courage de dire la vérité à ses lecteurs? Non je ne pense pas! La presse actuelle est faite pour une population de lecteurs encore au stade de l'enfance. La maturité en matière de presse n'existe absolument pas, c'est la peur qui domine, la peur de dire et de penser; une peur invincible qui habite dans les cœurs et les esprits. C'est pour cela que la presse ne publie pas des articles en fonction de leur utilité ou de l'apport d'informations véridiques qu'ils véhiculent, mais en fonction des viles passions qu'ils suscitent un poster d'une vedette de cinéma, offrant généreusement ses seins magnifiques, le visage tout rayonnant d'un charme envoûtant; une accumulation d'informations le plus souvent imaginaires glanées dans le presse étrangère, pour accaparer l'attention et susciter l'étonnement,des fables que l'on assaisonne de quelques faits pour les rendre véridiques,des incidents insignifiants que l'on exagère à outrance,des informations routinières sur ce qui se passe dans le monde ahurissant des joueurs de football, des drames passionnels qui bouleversent tel ou tel pays occidental, de courts articles anodins et d'une banalité effarante: voilà en gros ce qu'on publie de nos jours, comme si notre pays manque de problèmes et que tout va à merveille. C'est là une presse banale, vaine, et nulle, toujours hantée par la crainte d'être suspendue malgré son rôle négatif dans la société.

            Il est vrai que les journaux qui ont eu le courage d'exprimer en toute franchise les sentiments des citoyens ont été suspendue d'office, et poursuivis en justice, mais ils n'en méritent pas moins un vibrant hommage pour leur action déterminante.

            Dans notre monde moderne, la presse du parti au pouvoir ne fait que dévorer les deniers du peuple. Ce sont des organes dont l'unique but est de faire l'éloge du pouvoir et d'applaudir à des promesses frauduleuses. C'est, en un mot, une institution idéologique travaillant dans une sphère étroite et s'ingéniant maladroitement à faire de la propagande pour le parti en place, et sur laquelle la censure ne s'exerce jamais.

D'ailleurs comment pourrait-elle subir la censure alors qu'elle est la censure même?

C'est ce type de presse, qui nous inflige un véritable affront, nous prend pour des dupes, pour des naïfs souffrant de déficiences mentales.

Cette presse que l'on subventionne, grâce aux deniers des contribuables, s'avère absolument inutile, puisque personne ne s'y intéresse de près ou de loin, attendu qu'elle ne bénéficie d'aucune crédibilité.

            Ainsi la dilapidation que l'on consent à faire au profit de cette presse partisane est un crime que le peuple ne pardonnera jamais.

            Alors que la presse du parti au pouvoir s'affiche partout dans l'indifférence absolue de la masse des lecteurs, la presse d'opposition, celle qui ose dire la vérité, celle qui, pleine de courage et de foi, s'acharne à faire preuve d'honnêteté et d'éclairer le peuple sur les problèmes dont il est accablé, cette presse se trouve en revanche persécutée et soumise à la tyrannie de la censure, une des pires formes de décadence et d'arriérisme.

La presse libre - il n'en existe pas dans notre pays- travaille dans l'intérêt des masses, en dépit des contraintes arbitraires de la censure. Oui dans ce monde où l'on peut acheter les consciences avec autant de facilité que si l'on a affaire à un objet que l'on peut se procurer à la foire, dans ce monde où l'on se montre hypocrite jusqu'à la moélle sans crainte d'être dénoncé... Si ce n'est être comblé d'admiration et d'estime et ,enfin, dans ce monde pourri où la matière s'empare des esprits...!

Comment pourrions nous trouver une presse indépendante, courageuse, capable de répondre aux aspirations de la masse des lecteurs et de pouvoir brandir le symbole de la vérité comme principe irrévocable, un idéal pour lequel on est prêt à tout sacrifice?

            La censure, bien qu'elle impose ses griffes tentaculaires partout, son action immédiate est de servir les intérêts exclusifs de ceux qui sont au sommet du pouvoir, en camouflant certaines vérités. Mais il arrive un jour où ces vérités se manifestent dans leur parfaite nudité et c'est alors que la censure sera mise au pilori...

Prof.Mohamed Sellam.

Universitaire

0021696068585

 

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18 mars 2010 4 18 /03 /mars /2010 19:44

LA MORT D'UN SYNDICAT

Par Mohamed Sellam

Professeur d’Université

 

            Dans tout régime libéral, il existe un syndicat dont le rôle se limite à la défense des intérêts des travailleurs, à l'amélioration de leurs conditions de travail et de vie. L'existence de cet organisme vital est une nécessité impérieuse et s'y attaquer, ce serait à coup sûr porter atteinte à l'intégrité même de la nation, car le syndicat demeure et demeurera toujours un des acquis fondamentaux de tout peuple libre. Loin d'adhérer à des positions politiques, encore moins aux manœuvres des politiciens dont la seule ambition est de gagner de la notoriété et de l'argent, le syndicat vise en premier lieu à relever le niveau de vie de la masse laborieuse, en s'attachant aux principes de la légalité et du droit.

            C'est là en effet le rôle authentique, réel, profondément humain, de tout syndicat libre, institué, au prix d'une longue lutte et du sang versé à flots, par la population ouvrière, pour agir et combattre au profit de cette population qui fut longtemps l'objet d'une exploitation honteuse et d'un marchandage scandaleux et inhumain.

            La Tunisie, en tant que société moderne, ayant lutté pour son indépendance totale, s'est affranchie du despotisme colonial pour tomber dans les bras du despotisme patronal. Cet état de choses dure depuis l'indépendance. Le pouvoir politique n'intervenant en rien et ne faisant rien pour agir sur les mentalités rétrogrades et cupides des patrons, affiche une certaine indifférence, à l'égard des ouvriers qui réclament et réclameront encore leur droit à la vie et au bonheur.

            Le syndicat est venu à leur rescousse, mais ce n'est que pour rendre la situation plus intenable et accroître davantage le fossé qui existe entre travailleurs et patronat, tant par la crise qui a surgi en son sein que par les conflits qui l'opposent au pouvoir en place. Avec un peu de sagesse et de pondération la crise aurait été aplanie et les conflits réglés dans le cadre du dialogue et de la concertation responsable, sans pour autant être contraint à faire des concessions au détriment des travailleurs.

            La fusion des deux organisations syndicales en l'occurrence l'UGTT et l'UMTT n'est pas du tout entreprise dans l'intérêt des travailleurs. C'est une gageure, un chantage politique, en vue d'amener le nouveau syndicat à s'intégrer au sein du parti au pouvoir. C'est là un jeu dangereux dont on ignore jusqu'alors l'aboutissement.

            Le perdant dans ces manœuvres détournées et trompeuses, c'est bien le travailleur, lui, qui reste impuissant devant la rapidité des événements, lui qui ignore tout de ce qui se trame dans son dos, lui qui, simple et confiant, n'ose même pas agir en vue de reconquérir ses droits et de faire entendre sa voix.

            Que peut-il bien faire d'ailleurs devant cette cascade de discours trompeurs, devant cette propagande politique à grande dimension qui le fascine, exerçant ainsi sur lui une sorte de mainmise, un pouvoir d'aliénation, dont il ne peut  plus s'affranchir.

Il demeure évident que le nouveau syndicat n'agira pas dans l'intérêt exclusif des travailleurs, car son objectif principal reste purement politique, et ne tendra pas a instaurer l'esprit de justice et de paix au sein de la société, d'autant plus que la plupart de ses membres ont des ambitions depassant même le cadre de leurs attributions en tant que syndicalistes.

            Toutefois, quels que soient les mobiles qui se cachent derrière cette fusion, a-t-on consulté pour sa réalisation la masse ouvrière,seule compétente dans une affaire nationale de cette envergure? Jamais de la vie!

Des hommes du sommet, des intrus à la recherche d'une aventure politique, en amadouant et en flattant le pouvoir, ont agi tout seuls en connivence avec le pouvoir qui, profitant du désarroi des travailleurs, entreprend, si ce n'est déjà fait, d'avaler en une seule bouchée ce nouveau syndicat.

            Il faut que les travailleurs réorganisent leur syndicat en nommant à sa tête des hommes intégres, compétents, capables de prendre en main leur destinée! Il faut qu'ils récupèrent les acquis qu'ils ont gagnés au prix de leur sang et il faut qu'ils pourchassent leurs ennemis en les excluant du sein de leur syndicat. Il y va de leur honneur et de leur vie.

            Tout homme qui adhère au pouvoir, qui n'en est pas indépendant, qui n'agit qu'en fonction des instructions qu'il en reçoit clandestinement ou non, est un ennemi du syndicat: c'est un venin qui ronge petit à petit ses entrailles pour en faire un satellite tournant autour de l'orbite du pouvoir, un pantin à faire tourner selon son bon plaisir et c'est la fin de cette organisation!

            Le militantisme syndicale suppose un sacrifice total pour la communauté, un affranchissement des préoccupations politiques pour se consacrer exclusivement aux questions d'intérêt syndical.

            Sans syndicat, sans cette institution où se réalise la fusion de toutes les aspirations ouvrières, et où tous les êtres de bonne volonté se réunissent et se donnent la main comme un seul être, sans ce syndicat enfin, aucun progrès n'est en perspective, aucune réalisation sociale ne peut s'accomplir et aucun pas en avant ne  peut se faire, car ce sera la léthargie, la vie à l'état stérile, l'agonie de la société.

Dr Mohamed Sellam

Sellam06@hotmail.com

0021696068585

 

 

 

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14 mars 2010 7 14 /03 /mars /2010 19:10

 

Point de vue

Pour la liberté d'opinion

Par Mohamed Sellam

            La presse a-t-elle une mission nationale à accomplir et en quoi consiste au juste cette mission?? La presse, avec ses organismes et ses structures, une institution d'envergure nationale au même titre que les autres institutions qui jouent un rôle prépondérant dans la vie du pays. Elle tire sa légitimité non pas seulement des lois démocratiques qui l'ont instituée, mais aussi de son rayonnement et du prestige dont elle jouit au sein du pays, car sa mission fondamentale consiste de prime à bord à promouvoir l'essor culturel et social de toutes les couches de la société. Son rôle est par conséquent d'informer, d'éduquer, d'éclairer le public des lecteurs et ce qui est encore essentiel c'est d'orienter les esprits vers le meilleur et le beau, puisqu'elle cristallise les tendances intellectuelles pour en canaliser les idées en vue de dégager une opinion quasi commune: une telle mission exige en effet une longue haleine, un savoir-faire à toute épreuve et une endurance, une patience que rien n'entamera. La presse doit être alors pour la vérité, rien que la vérité , la justice, l'égalité entre les membres de la même société, la liberté, seront pour elle des principes sacrés, qu'aucun être humain ne peut violer  sans être mis au pilori, ce sont ces principes de haute valeur humaine qu'elle s'assigne le devoir de défendre jusqu'au bout avec persévérance et dignité. C'est alors que la mission de la presse est une de portée humaine avant d'être mercantile et lucrative.

Entreprendre d'ouvrir de nouveaux horizons dans la manière de penser et de vivre au sein de la masse populaire, lutter pour les progrès humains et techniques, transformer les mentalités rétrogrades en mentalités progressistes et profondément réalistes, dévoiler et dénonce, sans complaisance, les anomalies et les carence de notre société, contribuer au développement du civisme et de la vertu politique, être autonome vis-à-vis des partis politiques protagonistes, transmettre avec une stricte fidélité toute information captés, voilà en effet la tâche primordiales d'une presse libre et indépendante.

            Cette mission ne s'arrête pas là, elle doit tendre encore plus loin avoir pour seul objectif l'intérêt de la nation, en insufflant l'esprit patriotique dans la masse populaire, en renforçant sa solidarité et sa cohésion.

            Alors dans ce cas la censure demeure-t-elle nécessaire et impérative? Oui pour la censure quand l'unité nationale est menacée! Oui pour la censure quand l'intérêt du pays ou la dignité du citoyen est en cause! Mais non pour la censure quand la liberté d'expression, une liberté responsable et fidèle aux principes inviolables déjà évoqués est en danger: Non à la censure quand elle freine la floraison intellectuelle et qu'elle empêche les talents de s'épanouir dans la création libre et sans contrainte! Non encore à la censure lorsqu'elle entrave la marche de la vérité et quelle stimule les mauvaises productions au détriment de ce qui est humain et général.

            La censure n'est pas un fléau moderne, elle plonge ses racines dans les nuits des temps, où l'époque de l'inquisition faisait rage en persécutant farouchement les libres - penseurs. Mais cette époque est révolue et que nous vivons à présent dans l'ère du progrès humain et de la liberté. Dès lors on peut affirmer que la censure est devenue de nos jours anachronique et démodée, puisque ce que l'on censure n'est souvent que ce que l'on connaît,ce que l'on a appris par les qu'en-dira-t-on ou les rumeurs sourdes.Car rien ne se cache désormais aux yeux du monde moderne, la vérité est toujours là, pure et sans fard, qu'aucun pouvoir, si puissant qu'il soit, ne peut masquer. Toutefois la censure est bonne, voire indispensable, lorsque les fondements de la société sont menacés, car il n'appartient à personne de saper les valeurs humaines et de dépraver les moeurs, de corrompre l'éthique sociale, de s'attaquer à la morale, à la vertu et à l'honneur mais suspendre un journal pour avoir permis à un citoyen de se défendre publiquement et d'exprimer son opinion sur une affaire que tout le monde connaît déjà, c'est, si l'on en juge bien, une mesquinerie, un acte pour le moins ridicule.

            La censure s'exerce surtout de nos jours sur le phénomène politique, cette fameuse vision des choses de la vie, qui bouleverse les nations et trouble les esprits, sans laquelle tout aurait pourtant été statique et inerte.

            La politique est alors la bête noire de la censure et c'est la politique qui provoque le mouvement des peuples et déclenche les révolutions. tout a intérêt à en discuter, tout se penche vers cet univers fantastique, pour essayer d'y voir clair et dire ce qu'on en pense. Dès lors les diversités d'opinion ne s'attardent pas à émerger et leur contradiction est plus que frappante, tellement chacun pense selon sa conception de la vie et du bonheur des peuples. D'où les conflits, les antagonismes, car chacun veut faire prévaloir sa propre conception, cherche à tout prix à dominer les autres. Et c'est alors que la censure surgit et tord le cou à ce qui n'est pas conforme à l'opinion dominante, toute déviation à cette orthodoxie, tout anticonformisme est jugé désormais comme un parjure, un blasphème, voire un crime impardonnable puni par les "lois".

            Pourquoi le régime autoritaire appréhende-t-il la presse écrite? Il est loisible d'affirmer que la presse, dans un pays civilisé et où le pourcentage d'analphabètes est insignifiant, façonne, modèle à sa guise l'opinion publique, elle cristallise les comportements et conduites intellectuels, en y insufflant des idées, des formes de pensées, voire un savoir-vivre, une vision des choses plus au moins réaliste, s'estompant dans une perspective de doctrine spécifique.

            Il est évident que la masse est aisée à aliéner, facile à émouvoir et à contraindre à épouser votre position, parce que la masse populaire dans son homogénéité et sa cohésion, parfois inébranlable, perd la logique des choses et ne pense plus que par passion et fanatisme. C'est pourquoi le régime qui pratique l'absolutisme politique, sachant à bon escient les caractéristiques psychiques de la masse du peuple, s'oppose à tout ce qui est de nature à réveiller en lui cette passion, cet enthousiasme effréné pour une cause jugée par la presse juste et indubitable. Dans les pays du tiers monde, où les régimes sont souvent acculés à pratiquer une politique hermétique et dictatoriale, la population est encore au stade de l'enfance, dénuée de tout sens critique et d'esprit de mesure et sur laquelle la presse écrite n'exerce en réalité aucune influence immédiate, puisque l'ensemble des lecteurs,passifs et presque naïfs dans la plupart des cas,ne s'intéressent  presque pas toujours à ce qui s'écrit dans les journaux. . D'ailleurs pourquoi cette appréhension? Serait-il possible qu'un régime solide et sincère avec le peuple, attaché à la justice et à la liberté honnête dans ses actions et ses paroles, soit ébranlé d'un seul coup par des affirmations mensongères? Ne devrait-on pas plutôt les accueillir avec ironie et humeur? Il n'y a, à mon sens, que le régime qui n'a pas confiance en soi, qui se doute de soi-même et qui porte en son sein une conscience morbide et corrompue, qui soit enclin à craindre la presse. Car rien ne saurait saper les fondements d'un régime authentiquement populaire et démocratique.

            Peut-on alors affirmer en fin de compte que l'existence du régime est en quelque sorte inhérente au pouvoir de la presse? Souvent dans notre monde moderne, le régime, qui assure le fonctionnement des organes de l'Etat, selon une conception politique qui lui est propre, est institué par un parti, lequel à juste titre domine et supervise le régime. Or ce parti au sein duquel le courant politique à instaurer se développe et prend forme, possède en effet ses propres organes de presse, qui véhiculent l'idéologie politique qu'il prône, ce qui est de nature à galvaniser sa conception idéologique et de lui conférer valeur et puissance, entretenue avec la même force par les autres moyens de communication dont il dispose et dont la portée en impose presque à tous les esprits au point de les aliéner et d'en faire même un instrument docile au service de sa propagande. Dès lors il est possible d'affirmer que la survie du régime et par voie de conséquence, du parti, est subordonné au prestige de ses organes de presse, qui le soutiennent inconditionnellement en lui assurant pérénnité et grandeur, même s'il s'achemine dans la réalité vers la déroute politique.

            C'est pourquoi une presse indépendante s'avérera à fortiori un danger permanent tant pour le régime que pour le parti. Du fait bien entendu que la presse en question cherche à s'affirmer et à s'assurer la démarcation nécessaire vis-à-vis des organes du pouvoir, en faisant souvent état des vérités qui risqueraient de perturber la paix sociale du régime. Mais une telle autonomie est presque inexistante dans les pays du tiers- monde, en ce sens que le pouvoir qui accapare tout ce qui touche à l'information, en monopolisant tous les moyens audiovisuels sans exception, contrôlant sévèrement tout ce qui se publie dans les maisons d'édition, et ce qui est pire encore, corrompu le goût du public en n'autorisant que la publication des fadaises et des niaiseries.

            L'institution d'une presse autonome est de nos jours une pure gageure, un pari difficile à gagner, du fait que le pouvoir, dont les organes de censures s'exercent en puissance, se montre hostile au rayonnement et à la notoriété d'une presse qui se met au service de la vérité et l'intérêt national.

            D'autre part, la presse actuelle est elle nantie d'une maturité politique et sociale suffisante pour assurer une information impartiale et véridique? Il est vrai que la presse actuelle souffre énormément de lacunes et d'insuffisances. Il lui manque une véritable maturité politique et humaine pour assumer en connaissance de cause la mission d'informer. Les vrais talents lui font défaut, ce qui fait que la presse était souvent réduite à glaner les informations publiées dans des revues étrangères - en particulier les informations sensationnelles- et à les insérer en vue de combler le vide.

            La crédibilité de la presse reste cependant liée à la cause qu'elle défend, à la doctrine qu'elle s'ingénie à instaurer et son pouvoir d'informer avec dignité et conscience.

            Avant d'être un penseur contemplatif, et un écrivain se réfugiant dans ses méditations individualistes, le journaliste est un homme d'action, un homme qui, embrassant une cause, la défend jusqu'au bout sans relâche. D'ailleurs la cause ne suffit pas pour faire un journaliste, il faut encore du courage, une profonde conviction, de la patience et beaucoup de génie. C'est pourquoi être mûr en politique, connaître  les réalités sociales et s'affranchir des partis-pris ainsi que de préjugés malsains, sont les conditions fondamentales pour rendre un journaliste suffisamment mûr pour accomplir sa tâche.

            Mais vendre sa plume au détriment de sa conscience pour un objectif matériel, faire publier des informations mensongères et inexactes, faire fi des principes de justice, de la vérité et de l'honneur, en soutenant une cause que vous savez injuste, être du côté du plus fort, en bravant les remords et les tourments de votre conscience, voilà en effet ce qui afflige le cœur et trouble l'esprit.

            Alors comment jeter les bases d'une presse responsable et mûre? La presse étant un facteur de culture et d'information, il est alors nécessaire de favoriser la promotion de cette institution, à un haut degré de responsabilité, susceptible de lui permettre d'assumer sa mission dans des conditions beaucoup plus favorables. Car être responsable de la culture des masses n'est pas une mince sinécure, c'est plutôt un devoir patriotique, une noble action tendant à ouvrir de nouveaux horizons dans un univers traditionnel et hermétique. C'est pourquoi il est impératif de promouvoir la presse en lui conférant une latitude plus large et plus souple, afin de pouvoir être à la mesure de la tâche qu'on lui attribue. La liberté demeure incontestablement sa raison d'être en lui permettant d'accomplir sa besogne loin de toute contrainte ou pression extérieure. Sans la liberté, la responsabilité s'efface, s'évanouit dans les tâtonnements et les appréhensions. Certes la liberté a des limites, mais cela n'empêche pas cependant de talonner, traquer la vérité où qu'elle soit, puisqu'il s'agit évidemment de l'intérêt national, pourtant personne ne redoute la vérité, si ce n'est ceux dont la conduite est suspecte. Il serait alors du devoir de la presse, d'une presse responsable et honnête, de démasquer tout ce qui trame dans les coulisses du monde des affaires et de la politique. Bien plus, la presse doit être consciente aussi de son influence et de son pouvoir à la foie dissuasif et persuasif dans la société. Elle doit s'affranchir des entraves de la routine et de la partisanerie, pour se mettre au service de la nation et de la vérité. Elle doit également se débarrasser de ce qui blesse le goût et perturbe les esprits, en prenant soin de ne faire état que de ce qui est vrai et rien d'autre. Car il y va de la survie la nation et de son progrès.

M.Mohamed Sellam

Professeur d’Université

0021696068585

 

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6 mars 2010 6 06 /03 /mars /2010 18:41

LA FEMME, VICTIME OU BOURREAU?

Par Mohamed Sellam

Professeur d’Université.

 

            La femme est-elle vraiment ce qu'on est convenu d'appeler un sexe faible? En quoi est-elle faible? Est-ce qu'elle puise sa faiblesse dans sa vive émotion, dans son extrême sensibilité ou dans sa nature susceptible? Cette faiblesse n'est-elle pas d'ailleurs sa force, une force que rien en effet n'ébranle? La preuve en est qu'elle vit plus longtemps que l'homme et sa santé physique ne s'altère pas aussi rapidement que son partenaire qui, accablé sous le poids des soucis, livré aux durs travaux quotidiens qui ne lui laissent cependant aucun répit, ayant constamment l'air inquiet à cause du fardeau des responsabilités qui pèse sur ses épaules, tente toutefois de surmonter les obstacles auxquels  il se heurte à tout moment de son existence. Le sexe faible est une notion trompeuse, inventés ironiquement pour faire accroire à la gent masculine qu'elle est la plus forte et la plus robuste et que la femme, un être faible qui, perdu dans les méandres d'une existence molle et vaine,doit comprendre que sa place naturelle est le foyer.

            La femme, n'est pas aussi bête qu'on  croit, au contraire, elle est le plus souvent nantie d'une intelligence aiguë, fine, qu'elle emploie au profit de ses intérêts personnels, et ce qui est encore frappant à plus d'un titre, c'est qu'elle déploie toute son énergie pour réaliser ses ambitions, parfois idéalistes, en particulier touchant l'édification d'un foyer conjugal. Et une fois ses ambitions réalisées, elle fait tout pour continuer à être libre, comme si elle était encore sous la tutelle de ses parents, lesquels,le plus souvent, manifestant à son égard une attitude d'une complaisance et d'une mansuétude extrême, frisant quelquefois la complicité franche et directe, ne s'opposent à aucun de ses désirs, quels qu'ils soient. C'est ainsi que, même mariée, travaillant dans une usine ou dans une administration, quittant le domicile trop tôt pour y retourner à une heure tardive, agissant ainsi contrairement aux principes de la vie conjugale; et pire encore, bouffie de vanité et de présomption, elle se refuse à se soumettre aux convenances et aux contraintes de la vie en famille, elle affiche plutôt une sorte de démission quasi totale vis-à-vis de son foyer et ne s'y intéresse que dans des cas rares,lorsqu'elle s'aperçoit que l'édifice de ses rêves risquera de s'effondrer..

            Cette attitude particulièrement négative de la part de la femme a été la cause d'une multitude infinie de conflits conjugaux, tous les problèmes sociaux que l'on voit surgir au sein de la communauté sont dus en premier lieu à la négligence, à l'esprit frivole,  mesquin ,bref au comportement irresponsable de la femme. D'où l'on assiste actuellement à la propagation effrayante de ce phénomène qui est le divorce.

C'est un mal endémique qui ne cesse de sévir dans notre société.

            D'ailleurs, qui est le responsable de la dégradation de l'éthique sociale? Si l'on songe un peu au rôle de la femme au sein de la société, l'on se rend compte que ce rôle est plus négatif que positif du fait des problèmes infinis surgissant à la surface de la vie sociale. Il est cependant vrai que la femme rend de nombreux services à la communauté, mais cela ne se  fait qu'au détriment de la stabilité et du bonheur de la famille, laquelle est le pilier fondamental de cette communauté. Le malaise social, moral et même économique ne pourra jamais s'atténuer qu'en révisant le statut actuel de la femme et de lui conférer un statut plus authentique, plus réel, conforme aux traditions civilisationnelles et aux normes sociales du pays, à sa réintégration au sein du foyer, afin qu'elle puisse assumer son rôle spécifique, inhérent à sa nature, je veux dire son vrai rôle dans l'édification d'une famille saine, exempte de toutes déficiences morales, apte à se rallier à d'autres familles de mêmes conditions pour constituer ensuite une société où il sera agréable de vivre.

            C'est là en effet la seule condition impérative, si l'on s'attache à voir un jour cette crise sociale disparaître à jamais. A mon sens, il est impossible de concevoir d'autres moyens susceptibles de remédier une fois pour toutes à cet état de choses, car si l'on cherche vraiment à arrêter la propagation d'une telle ou telle épidémie, il faudra d'abord en déceler les causes et ensuite d'y mettre fin en extirpant la racine. Dans notre cas, les causes réelles du mal, nous les connaissons, nous n'ignorons pas également les remèdes appropriés et qui sont d'une efficience profonde, mais l'on est tenu de les mettre en oeuvre, si l'on veut sortir de cette impasse.

            Comment conçoit on la libération de la femme? D'ailleurs pourquoi parle-t-on de libération? La femme était -elle effectivement esclave? Avions nous vécu, nous aussi, une époque où l'esclavage de la femelle était une réalité vivante? Non, je ne le pense pas! La femme jouissait d'une entière liberté; elle n'était pas sous la domination de l'homme; elle était libre de disposer d'elle même. Mais ce qui a fait croire à certaines gens que la femme n'était pas libre, c'est évidemment la situation dans laquelle elle végétait de son propre gré, sans contrainte aucune, en obéissant à bon escient à certaines conduites strictes acquise en fonction de l'éducation qu'elle avait reçue dans le passé, à savoir son attachement et sa fidélité à des traditions rétrogrades, sa soumission délibérée et aveugle à son état de femelle, en se faisant croire qu'elle est un être faible et qu'elle n'a pas droit à tout épanouissement ou évolution sur l'échelle sociale, étant mûe par un complexe d'infériorité dû en fait à son ignorance et à son manque aberrant de culture, à l'absence de tout esprit d'initiative et de progrès. C'est pourquoi on ne doit parler d'émancipation ou de libération que lorsqu'il y a eu un système d'esclavage installé officiellement. Et reconnu par la loi.

            D'autre part, on ne cesse d'incriminer le colonialisme d'avoir favorisé le développement de l'analphabétisme parmi les masses populaires, en particulier les femmes. On s'abrite ainsi derrière  de telles  allégations pour justifier l'inertie des gens qui répugnaient à accéder au savoir humain, qui est à la portée de tous sans distinction de race ou de religion, mais il suffit d'avoir de la détermination et une volonté inébranlable. Une telle position, qui frise d'ailleurs la lâcheté, ne saurait convaincre pleinement, car le colonialisme, si cruel et impitoyable qu'il fût, n'a pas dressé devant nous des obstacles insurmontables pour nous empêcher d'aller de l'avant dans le domaine du savoir.

            La femme était libre d'accéder à tous les domaines, mais elle étant prisonnière des préjugés, accablée d'indigence intellectuelle, inapte à agir de sa propre initiative, acculée parfois à vivre dans un lieu clos, ne reconnaissant du monde que son entourage, qui l'encourage et la maintient d'ailleurs dans une telle situation, la femme n'avait d'autre issue que la résignation à son sort. Et c'est en effet de cet abandon, de cette résignation volontaire, de cet atavisme quasi héréditaire qu'on a osé parler de servitude et d'esclavage de la femme: ce qui est une absurdité inconcevable.

D'ailleurs lorsqu'on parle de libération de la femme, c'est d'abord pour situer le problème fictif bien entendu dans un contexte politique, et par la même pour faire croire qu'il y a eu effectivement esclavage et que, grâce à des mesures adéquates, un tel esclavage n'a plus de raison d'être: c'est là une imposture politique, un acte de propagande frauduleux tendant à mystifier, à aliéner les esprits.

            Regardons de plus près la réalité et n'essayons pas de nous masquer la vérité des choses! D'ailleurs pourquoi tâchons- nous d'être dupes de nous mêmes? La vérité nous blesse-t-elle? Non! Pourquoi alors chercher-t-on à la fuir et à s'obstiner à ne pas y croire? Je le dis avec franchise, au risque d'être taxé de misogyne, voire d'un monstre sans pitié ni cœur: tant pis pour moi! La femme, depuis qu'elle a pris l'habitude de déserter le domicile conjugal ou même parental qu'a -t- elle apporté au juste à la société?

            On assiste à l'heure actuelle à des scènes de mésentente conjugale qui débouchent souvent sur le divorce, causant par là même la dispersion de la famille, et ce qui est plus grave encore, c'est le désarroi des enfants, qui, désorientés et désemparés dans un univers inconnu, s'acheminent vers la délinquance, vers le monde du crime et de la débauche, installant ainsi sans le savoir le désordre dans la société.

            Ce n'est pas tout, son entrée dans la vie active a provoqué le chômage de la main d'œuvre masculine. Oui c'est un fait véridique! On remarque actuellement de nombreux pères de famille acculés à l'inaction, parce que des postes qui auraient dû leur être confiés, furent conquis de haute main par la gent féminine qui se résigne le plus souvent à accepter des salaires modiques pour un travail pénible, c'est là que réside en effet tout le mal de notre société, c'est d'exploiter d'une manière tout à fait scandaleuse une main d'œuvre féminine qui, ignorant totalement ses droits, s'engage par la force des choses dans une activité à laquelle elle n'était guère destinée pour être bafouée et exploitée honteusement et dès qu'on aura assouvi à l'extrême la soif du gain qui anime nos industriels modernes et épuisé en elle toutes ressources possibles, on n'hésite pas de la rejeter sans aucune compensation.

            Pour moi et je le répète encore, la place de la femme est le foyer, c'est là qu'elle pourra s'épanouir en toute quiétude et exercer sa personnalité dans la gestion des affaires domestiques, tout en préservant nos valeurs morales contre toute pollution extérieure, en contribuant  avec dignité à la réalisation d'un nid conjugal sain, inébranlable, où les enfants peuvent s'affirmer et acquérir l'esprit du sacrifice et de la lutte pour un avenir toujours meilleur! Tout le reste n'est qu'une forme d'aliénation, de mensonge et de propagande stérile en vue d'induire en erreur la population féminine. Car la notion d'émancipation de la femme n'est en réalité qu'une gageure, un jeu politique, un expédient fallacieux conçu en vue d'acquérir plus de prestige et de gloire au détriment de la vérité.

 

Dr.Mohamed Sellam

Universitaire

SFAX- TUNISIA

 

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28 février 2010 7 28 /02 /février /2010 19:35

Confessions de Gueddafi au peuple libyen.

                                                    Par Mohamed Sellam

                                              Professeur d’Université

V

oilà après plus de quatre décennies que je règne sur vous, des années se sont écoulées alors jalonnées par des événements cruciaux vécus par ce pays où je gouverne en seigneur féodal  et où vous n ’êtes rien d’autres que des serfs , des vassaux pivotant humblement autour de mon  orbite :je vous ai donné toutvous vivez sans rien faire  et pourtant je vous nourris grassement,je vous octroie  cette pitance quotidienne à prix dérisoire,sans rien vous demander que d’être sage,calme et impassible à ce qui se fera autour de vous,et surtout,c’est cela qui est plus important pour moi,de m’accorder avec votre humilité habituelle votre allégeance  matin et soir;en un mot, d’être soumis sous mon pouvoir exclusif...

En vérité je ne sais pas jusqu’à présent comment j’ai été comme propulsé au sommet du pouvoir:c’était comme dans les contes de fées,je me suis endormi entre les bras de ma mère et d’un coup,je me réveillai pour me trouver vêtu du pourpre de prince,roi et guide d’une révolution .Comment cela s’est-il produit?Je ne saurais le dire,c’etait un beau rêve,un rêve fantastique,idéal que j’ai perpétué  jusqu’à cet instant  d’euphorie pour lequel je vous ai convié à partager et à vivre avec moi.

Ainsi,vous savez tous que,quand je suis arrivé au pouvoir,mes dents suintaient encore du lait de ma mère,je n’avais rien en tête,rien qu’une espèce de tour de prestidigitateur,grâce auquel j’ai pu facilement  frayer un chemin jusqu’à votre coeur et du même coup   déclencher votre enthousiasme,d’allumer en vous cette étincelle,ces aspirations pour un avenir meilleur,un avenir que j’ai retenu cependant enchaîné entre mes mains,que j’ai foulé aux pieds,que j’ai écrasé sous le poids de ma vanité et de mes ambitions  viscérales et sur les ruines duquel j’ai élevé ma gloire et mon prestige....Oui je n’avais rien en tête,je ne possédais rien comme qualités,pourquoi vous mentirais-je?à part peut-être un engouement pour les risques et les aventures dangereuses,oui,puisque j’ai risqué ma  fragile tête,en défiant le régime monarchique,soutenu et secondé en cela par une petite armée peuplée de novices,de soldats naifs et une populace de simples d’esprits,qui avaient consenti à l’époque à m’offrir leurs têtes en guise d’offrande.

Comme je vous le disais,quand je suis arrivé au pouvoir,je n’étais qu’un bambin,dont les dents suintaient du lait de  sa mère,mais un bambin énergique,qui a dévoré goulûment tous ceux qui l’avaient aidé à grimpé à la tête du pays,pour me mettre sur le trône d’un roi vieillot et caduc;oui,avec sa petite cervelle d’enfant malin,ce bambin que vous connaissez a déjoué tous les complots ourdis contre lui et a réussi à s’installer en maître unique et absolu sur vous!Oui,j’étais ce bambin,ce mioche ratatiné à la figure rubiconde et réjouie ...aux cheveux abondants et  hideusement ébouriffés...

A l’époque ,j’ai lancé des harangues que m’avaient susurrées certains vétérans de la politique que j’ai appelés à ma rescousse et, grâce à ces  déclamations stériles inspirées des discours véhéments de Nasser contre l’impérialisme international,j’ai su mettre le feu dans le coeur de la jeunesse,laquelle,comme un seul homme,est sortie pour semer la terreur dans les âmes des sceptiques réactionnaires et de ceux qui s’étaient opposés à l’avènement de cette révolution  ren herbe ,qui prône l’anarchie et la débâcle de toutes les valeurs matérielles--tout le monde est sorti dans les rues des grandes villes de la Libye pour me sacrer  libérateur de la patrie et de la dignité arabe et je n’ai pas hésité à exploiter cet enthousiasme euphorique et furibond  pour me réhausser au pinacle des hautes instances du pays,pour m’emparer de toutes les potentialités du pays,de placer sous mon autorité exclusive toutes les institutions étatiques,à commencer par la Banque Centrale ;et puis, pour mettre fin à l’hégémonie impérialiste,j’ai demandé aux américains et aux britanniques d’évacuer séance tenante les bases qu’ils occupaient,que j’ai baptisées par la suite du nom de l’illustre conquérant arabe,ce qui a contribué davantage à insuffler en vous une volonté ferme pour soutenir la révolution et d’être un bouclier invulnérable pour sa défense et sa pérennité

Or l’évacuation de ces bases que le régime monarchique avait louées à ces impérialistes et dont l’argent acquis avait pour but en vérité de renflouer les caisses de l’Etat cette évacuation,dis-je,fut pour moi un véritable tremplin,pour me hisser encore au sommet de la gloire et de la célébrité,après m’être attribué frauduleusement bien entendu  le grade de colonel  et promu, tel un météore,au titre de  libérateur  du pays..

La libye n’avait que faire  de cet argent qui provenait de ces impérialistes véreux,j’ai crié haro à tous les impérialistes du monde,à commencer par les américains et surtout les italiens  qui nous avaient colonisé,exploitant la richesse du pays et déportant massivement des combattants libyens en exil,pour lesquels j’ai requis à cor et à cri  une compensation juste et équitable Une compensation d’ailleurs destinée à accroïtre ma fortune et celle de ma progéniture.

Alors voulez-vous que je vous dise la vérité ?Il n’en est rien !Cela,c’est un leurre,une supercherie pour vous  faire accroire  que je lutte pour  votre bien-être…

Et c’est d’ailleurs pour cela que j’ai secoué le trône déjà vermoulu du vieux roi  pour élever à sa place un autre trône plus superbe sur lequel je me suis installé  pour l’éternité et d’où vous me voyez en ce moment en train de vous haranguer...

Il est vrai que le Roi Idriss était un père pour vous,il était en effet un peu trop paternaliste,plus paternaliste même qu’il ne fallait,puisqu’il vous donnait tout,vous distribuait même l’argent qu’il soustrait de la location de ces bases militaires que j’ai donné ordre d’évacuer au lendemain de mon triomphe écrasant:mais ce roi veule était entre les mains des britanniques et des américains,puisque c’étaient eux qui lui dictaient les décisions cruciales,alors que moi je ne vous cache pas  que je suis entre les mains du diable,je suis le jouet même du diable  et je fais tout ce qu’il me dictait et souvent il me dictait des mesures  extravagantes et arbitraires  pour tuer en vous toute velléité de résistance,pour vous réduire à l’état d’inertie,au paupérisme total, pour que je puisse trouver le champ libre pour mes activités démoniaques et farfelues et enrichir ma famille et combler ma tribu de tous les bienfaits de la terre

Pour embellir davantage mon image de marque et pour me montrer aux yeux du monde en tant que révolutionnaire imbattable,je suis entré en conflits  non seulement avec les impérialistes modernes mais aussi avec tous les dirigeants arabes que j’ai ouvertement traîtés de traitres à la cause arabe;oui,des traitres incorrigibles,que j’ai essayé à maintes reprises de renverser...

c’est alors que des campagnes de dénigrement à l’encontre de ces régimes désuets sont déployées à travers les médias nationaux,puisque je me suis emparé  de ces médias   le premier jour de mon arrivée au pouvoir.Toutes les instances médiatiques,de quelque envergure qu’elle fut,étaient placées sous mon autorité personnelle,--et c’est par ce moyen que j’ai conquis votre admiration et votre estime,(Applaudissez-moi toujours,car j’adore les applaudissements tumultueux,ils me revigorent et me donnent du punch.)

La presse,c’est moi et il n’y a personne d’autre que moi dans ce pays..La presse,c’est ma presse à moi...je la subventionne,je la comble de privilèges et de subsides,et elle n’est là que pour faire ma gloire et mon éloge..Oui,je la dirige,je la contrôle étroitement pour qu’elle ne parle que de moi,de mes exploits don quichotesques,de mes pantalonnades qui  mettaient le monde en émoi.....

Dès lors tous les dirigeants arabes et mêmes les plus grandes puissances impérialistes du temps moderne,me craignaient,parce que je suis le libérateur et l’unificateur de tous les peuples de la terre

C’est grâce à moi que la chute de l’impérialisme soviétique avait eu lieu,puisque j’en  ai prophétisé la débâcle quelques années plus tôt.

C’est grâce à moi que les arabes se sont coalisés contre le sionisme aveugle

c’est grâce à moi que les pays africains se sont unis

c’est encore grâce à moi  que les pays capitalistes sont sur le point de s’effondrer--c’est encore grâce à moi que la paix règne dans le monde et que les palestiniens  vont bientôt reconquérir leur patrie  en balayant radicalement le sinistre Etat sioniste ;j’ai fait la guerre au Tchad  pour combattre l’impérialisme français,lui tordre le cou là où il est,sans lui faire quartier..Des milliers de soldats lybiens sont morts dans cette guerre ,d’où je suis sorti,honteux et déçu ,comme une poule mouillée certes,mais heureux,extrêmement heureux...d’avoir fait couler du sang lybien en pure perte.J’ai fait appel à toutes les organisations terroristes que j’ai largement subventionnées pour combattre l’impérialisme anglo-américain où qu’il se trouve   et créer des troubles  , des révolutions au sein même des régimes arabes pacifiques ..Vous voyez que j’ai fait tout ..Je n’ai pas lésiné ..j’étais toujours généreux et plus généreux que vous ne pensez.. J’ai même mis en place tout un réseau  de propagande à travers le monde,un réseau  de satellites  que j’ai soudoyés à prix d’or  et dont le seul service est de me glorifier,d’embellir  mon image à travers le monde...et vous peuple de Libye?

Vous êtiez sorti pour m’acclamer,pour me mettre sur le piédestal de la gloire et me couronner de lauriers en disant en vous  même « Voilà l’enfant qui portera le glaive de la nation arabe,qui défendra notre dignité spoliée,qui reconquiera notre chère Palestine...Voilà l’enfant prédestiné,en qui nous devons mettre tout notre espoir ,le nouveau prophète de la nation arabe »Oui,c’est comme ça que vous m’aviez applaudi,le jour où je me suis montré en public..

Et maintenant peuple de Libye,n’est-ce pas que vous n’êtes pas déçu et que vous nagez présentement dans un océan de misère et de turpitude:j’ai rapproché les pays arabes,je les ai unis en un seul peuple,mais il y a toujours quelqu’un qui vient briser les liens de cette union...!Ce n’est pas seulement cela,j’ai voulu même unir la Libye à tous les pays arabes,à tous les pays scandinaves,à tous les pays de l’Amérique Latine,à tous les pays asiatiques,car j’ai fait des tentatives dans ce sens et j’ai failli triompher dans cette entreprise ,si ce n’était l’intrusion hostile de l’impérialisme américain qui a tout fait pour faire tomber mon projet dans l’eau..

C’est ainsi que,après un long sommeil,je me suis réveillé  pour mieux voir du côté de l’Afrique Noire:j’ai braqué mon regard vers ce continent que déchiraient depuis de longues années  des conflits ethniques,que ravageaient   des épidémies meurtrières et qu’annihilait le virus de la famine,je me portais à son secours  et mettant à ma disposition tout le trésor de la Libye,ou plutôt ce qui reste de ce trésor,je me suis embarqué dans des périples lointains à travers tous ces pays,distribuant à droite et à gauche,l’argent du peuple,je veux dire votre argent,car qu’allez-vous en faire,de cet argent,de ce sale argent,qui n’est pas le produit de votre sueur,puisque vous vivez ,vous mangez et rien ne vous manque....Alors il a fallu que cet argent aille à des pays besogneux qui savent l’exploiter pour sortir de leur marasme social et  économique;oui,tout l’argent,ce pactole tiré du pétrole,et tant que ce dernier coule,il y en a toujours ,qui m’a  servi à la réalisation de mon projet d’unification du continent africain..

Je  suis désormais le Roi Suprême de tous les rois africains…

Je suis le Sultan de tous les sultans  africains.. !

Je suis le Président de l’Union africaine…

Je suis le Président de l’union Magrébine..et  quoi encore ?Je suis peut-être le maïtre du monde !Pourquoi pas ?Je le suis déjà. Puisqu’on est venu de partout pour me rendre hommage et se prosterner devant moi…

vous,vous êtes un peuple d’ignares,des têtes hermétiques:des contingents d’enseignants étrangers de bas étage certes ont été débarqués parmi vous,pour vous instruire et vous éclairer depuis plusieurs décennies,mais malheureusement il parait que vous avez la cervelle obtuse,imperméable à toute instruction et à toute culture..

Retournez mes petits,retournez à la tente et à la vie bédouine;reconstituez-vous en tribus,c’est votre passé,votre civilisation,vous ne devez pas en avoir honte:nous avons encore des chameaux,des dromadaires,des ânes qui peuvent se mettre à la place de ces minables quatre roues que l’on nomme voitures

Retournez,je vous prie ,à cette paix,à ce calme,à cette civilisation pure et profonde et vous ne récolterez que bonheur et joie,car vous ne vous plairez que dans votre passé,dans la vie du désert,te nourrissant de dates et du lait de vos biquettes et laissons ce monde fou vivre dans sa propre technologie et dans sa  prospérité étouffante...

D’ailleurs,vous n’avez pas besoin  ni d’écoles,ni d’usines,ni de routes ,si ce n’est d’une petite tasse de thé  bien chaude et bien sucrée  agrémentée  d’un peu de papotage ,interrompu de temps en temps par des éclats de rire discordants ,en vous prélassant à même le sol,sur le sable humide,à l’ombre d’un pan de mur en décrépitude ou d’un arbre ratatiné et désséché...

Mais retournons à cette union africaine.Serait-elle une illusion,une chimère qui finira par me laisser un goùt amer sur la langue?Non,non toutes les conditions sont réunies pour mettre sur pieds cette uinon:Tous les présidents actuels à prix d’argent bien entendu  m’ont assuré  fermement  que cette union se réaliserait sur le sol de cette grande Jamahiriya  que j’ai mise sur pied et qui a fait l’admiration de tous peuples de la terre,au point que,le monde se transformera bientôt en une grande jamahiriya analogue à la mienne

Ah,quelle joie,quel enthousiasme pour moi,quand j’ai vu de mes propres yeux  l’éclosion de cette jolie Jamahiriya en Afrique Noire

Projet pour lequel j’ai mobilisé toutes les potentialités du pays et la gloire ne rejaillira que sur moi,il est vrai,mais cela  n’empêchera pas que vous en soyez touché aussi Depuis plus de trois décennies que je vous gouverne et jamais jusqu’à ce jour,vous ne m’avez fait sentir le plaisir que je régne sur vous,tellement vous êtes obéissant et humblement soumis et pourtant :je vous accable d’impôts,de taxes et surtaxes,allant jusqu’à 90% de votre   revenu...,je vous écorche,je vous pressure,je vous dessaisis de ce que vous possédez,pour couvrir les frais de mes extravagances et de mes folies..et jamais je n’ai entendu un seul mot de protestation  ...Au contraire vous bénissez chaque folie que je fais et vous m’encouragez dans cette voie...Ah,cela me réchauffe le coeur et m’insuffle la tentation  de multiplier mes fredaines et mes lubies,pour vous écraser davantage,jusqu’à ce que je vous mue en cadavres sans âme,des êtres rachitiques et sans vie.....Je vois que vous m’applaudissez..Eh!Hem..J’en suis vraiment ravi..

Oui,vous êtes là,vivant sur cette terre qui n’appartient plus à personne qu’à moi,vous aussi,vous m’appartenez ,vous êtes ma propriété comme la Libye est ma propriété:j’y ferai ce qui me plaira;vous vous mouvez sous mes yeux,obéissant à mes lois et à ma volonté et celui qui,parmi vous osera lever la tête ;j’ai des janissaires armés jusqu’aux dents  pour le foudroyer et le réduire en poussière:oui,vous êtes ma propriété et à partir de cette propriété,calme et tranquille,je fulmine contre l’oppression et la dictature dans le monde ,je crie haro contre toute forme d’injustice ,d’où qu’elle vienne,car je ne veux pas qu’on empiéte sur mes actes et mes lois,étant seul dépositaire de ces intruments de tyrannie et d’horreur.En vérité,je suis le Machiavel des temps contemporains   et peut -être plus que ce minable théoricien de la peur,qui n’est d’ailleurs qu’un poltron,un fat,un âne bâté,puisqu’il n’était pas à la hauteur de la véritable peur..

Mon livre vert!Mon livre vert!Où est mon livre vert ,ouvrerz-le et lisons les paroles divines qui s’en dégageaient! ouvrez-le et nourrissez-vous de ces pensées,de ces pensées sublimes,de ces nobles préceptes,vous y trouverez des choses merveilleuses que vous ne trouverez ni dans le Prince ni dans le Contrat Social,ni dans l’Esprit des Lois ,ni non plus dans le Coran..mes pensées sont originales,sont faites pour assurer le bonheur de l’humanité sur terre!Adorez mon livre,mes petits,qu’il soit votre inséparable compagnon ,qu’il soit avec vous partout et celui qui ne porte pas mon livre sur lui  sera  puni pour  trahison et athéisme!Qu’il se substitue partout au  Coran dont vous n’avez plus que faire,puisque votre livre sacré est désormais devenu le livre vert...

J’ai écrit ce livre ou plutôt on me l’a écrit,c’est un livre qui devrait être le bréviaire des nations libres et progressistes et pour la propagation duquel,j’ai puisé à profusion dans le trésor du pays;oui,c’est votre devoir de vulgariser mon livre,dussiez-vous rester dans la misère et l’ignorance:pour mon bouquin,je suis prêt à vous sacrifier sans réticence.Je me sers de vous  pour assurer ma gloire à travers le monde

Ecoutez,j’ai fait des lois sur les coopératives;j’ai donné ordre  à tous les commerçants de fermer leurs boutiques et de se coaliser dans ces coopératives et pour leur insuffler le goût du gain rapide,j’ai donné ordre en même temps qu ’on importe tous les produits de consommation possibles et partout la Libye était un véritable régal,où l’on se plaisait  à vivre,si bien que,au bout d’un temps record,ces coopératives ont fermé boutique,et l’herbe sauvage commença dès lors à les envahir  et le citoyen libyen ne trouve plus aujourd’hui de quoi apaiser sa faim..C’est ma tactique;elle a merveilleusement réussi;....J’invente et plus j’invente ,plus vous perdez votre temps et votre argent.

Je vous nourris,je vous engraisse,je vous jette de temps à autre cette brassée de denrées alimentaires en vous retenant attachés à mon cercle vicieux,puisque c’est dans ces limites que vous vous démenez avec vos tracas et vos problèmes,depuis que le hasard m’avait élevé à la magistrature suprême de ce pays et devenir votre héros invincible::trinquez du thé,du thé onctueux,du thé savoureux à la menthe;trinquez,mes petits, et restez toujours là dans cette sentine  putride où il vous est agréable de croupir!allez  aux mosquées et priez votre Dieu,puisqu’Il vous protège et vous garantit la paix de l’âme et la plénitude du corps:la prière est la nourriture de l’âme;’elle vous inspire la résignation et la soumission à mes fredaines...

Priez mes petits,priez votre bon Dieu, pour qu’il vous inspire joie et quiétude.Mais aussi priez pour moi qui suis votre leader ,votre protecteur invulnérable,votre guide imbattable, et votre éclaireur dans ce monde où vous pataugez comme des canards dans une mare de fange ou des loriots englués dans un marécage:priez mes petits,puisqu’il est grand temps que vous priez toujours et sans interruption,et je vous garantis le paradis dans l’au-delà,puisque toutes vos aspirations,tous vos espoirs   tendent à la connaissance parfaite de cet éden céleste où vous aspirez de toute votre âme à goûter le repos et la sublime félicité.

De l’eau!de l’eau!j’ai la pépie,j’ai la gorge sèche,qu’on me donne à boire .Mais d’où vous allez vous procurer de l’eau,si ce n’est grâce à la réalisation de ce prodige du siécle!oui,la huitième         merveille du monde,c’est moi qui la réaliserai,c’est par mon génie,par mon savoir faire  que je  mettrai sous les yeux du monde ébahi l’oeuvre monumentale que ni Pharon,ni Alexandre,ni César,ni Napoléon n’avait pu réaliser!Des barrages?Mais de quels barrages parlez-vous?c’est une pure sottise de dilapider de l’argent dans la construction des barrages,car l’eau de la pluie est amère,aigre,acidulée et imbuvable, susceptible d’inoculer des virus mortels à mon cher peuple.Il nous faut de l’eau douce,légère,onctueuse et d’une saveur divine!

Un fleuve gigantesque s’étendant sur  quelques milliers de kms  est en train de s’accomplir,s’il n’est déjà accompli,un fleuve traversant hardiment le désert aride,abattant les obstacles que  la nature  avait dressés là depuis des millénaires sillonnant victorieusement  des étendues de sable sauvage ,creusant en profondeur son large lit dans le sein de la terre  pour y répandre cette pépite d’or que l’on appelle « eau »,drainant avec lui la vie et mettant un terme à la psychose de la mort  et de l’extinction de la race humaine.

Voilà mon fleuve qui vous apporte à vous et à tous les peuples de la terre,la vie et la félicité paradisiaque Et dites que je divague,que je suis un idéaliste farfelu:ce sont des calomnies que je récuse en bloc!

J’ai mis presque tout le pactole du pays dans la réalisation de cette ambition démésurée qui me dévorait inlassablement ,depuis que j’étais au berceau,plusieurs sociétés multinationales avaient  travaillé  jour et nuit pour assurer la réalisation de ce projet grandiose,mon projet à moi et à nul autre,mais voilà que la source originelle de mon fleuve a déjà tari  et mon projet ,le projet de ma vie,est tombé dans l’eau

Que l’on m’apporte à boire:j’ai soif,énormément soif:il faut que je me désaltère tout de suite,sinon je succomberai:je cherche de l’eau dans des terres lointaines,fort lointaines, et pour la drainer,il m’a fallu construire,au lieu des  canalisations simples et rapides à installer,tout un arsenal  de canaux de  gros calibres ,pour y mettre plus d’argent par vanité et pourtant pourquoi suis-je allé chercher de l’eau  dans  le lointain,alors que l’eau est là,gisant à profusion sous mes pieds et qu’il me suffit d’y creuser pour ouvrir les écluses d’un geyser magique et me désaltérer  de cette boisson naturelle et salutaire,mais cela est facile,ce n’est pas trop risqué  et ça ne nécessite pas trop d’argent et de plus je ne peux pas rester  sans faire du tapage autour de moi:il faut que je me mette en vedette,moi l’aigle des nations arabes,moi unique dépositaire  de l’identité et de l’entité  arabe et islamique,il faut que tous les journaux du monde ne parlent que de moi,que toutes les langues ne se meuvent que pour prononcer le nom de Gueddafi!Oui,peuple de Libye,applaudissez-moi,acclamez-moi avec votre enthousiasme coutumier,de concert avec les autres peuples de la terre,c’est cela qui m’exalte,m’enfiévre et me remplit davantage de courage pour occire systématiquement mes ennemis,où qu ’ils soient,sans commisération et j’en ai aussi,des ennemis,parmi vous...ah,si je les trouvais,je les enterrerais vifs à l’endroit que j’ai désigné à mes fidèles zombies!

Vous voulez des chemins de fer ?Quoi ?Les Italiens ne nous ont pas habitué à ce genre de chose…Vous voulez des chemins de fer reliant la Tunisie avec notre chère Jamahiriya ?...non !non !Cela est absurde !Cette entreprise ,avalera,j’en suis sûr,tout le le trésor dont j’ai besoin pour vulgariser mon Livre Vert..D’ailleurs pourquoi ces voies ferrées ?Vous n’en avez pas besoin,puisque vous avez ces véhicules à quatre roues….si je construisais ces voies du diable,il y aurait moins d’accidents et de morts..Alors que  je veux qu’il y ait des accidents..je veux qu’il y ait du sang qui coule à flots sur  les routes,sur mes routes,pace que je vis de votre sang et plus votre sang coule,plus je me sens  ragaillardi,c’est du baume sur mon cœur.. !

Il faut qu’on m’acclame,qu’on me flatte et qu’on parle de moi,avec admiration et émerveillement..Il faut que la radio chante à longueur de journées mon nom et mon oeuvre..!Il faut que la télévision ne montre que mon portrait ,quoi?des milliers de portraits géants,le sourire à la bouche et le calot sur la tête,doivent être visibles en permanence à la télévision..

à la mosquée,dans les rues les plus étroites,dans les coins les plus reculés de chaque ville libyenne.

Adorez mes images;prosternez-vous  devant mes portraits:je veux que vous me donniez l’assurance que je suis votre idole nationale.

Mais je vois que mon fleuve est mort-né,puisqu’il n’a pas coulé,comme vous le savez,il n’a coulé que pour arroser quelque  miniscules empans du désert  et toute la fabuleuse richesse que j’y ai  investie s’est évaporée en pure perte,tant pis,je n’en ai cure....C’est de l’argent qui retourne à la terre.

Et maintenant il faut que je continue mon oeuvre de gaspillage,parce que je suis condamné à faire votre misère,à tuer en vous toute forme d’aspirations  au bonheur et à la joie de vivre

Oui,il faut que le monde ne parle que de moi,vous entendez et c’est alors que j’ai tourné mes regards vers le continent africain pour l’unir à l’instar des Etats-Unis d’Amérique  et de la Communauté européenne:allez me dire que ce sera une oeuvre impossible:mais pourquoi voulez-vous qu’elle soit irréalisable,alors que sa réalisation est un fait accompli grâce à l’argent,car avec l’argent,avec votre argent que je me suis fait approprier,tout est possible et rien ne peut se faire sans argent..et mon trésor à moi,ne fait que s’accroître de jour en jour à l’infini!

J’entends des chuchotements,des murmures !taisez-vous espèce de canaille,je vous distribue votre ration mensuelle en tomates,en macaroni et en thé,ajoutez à cela quelques kilos de sucre  importé tout frais du Brésil,que voulez-vous de plus?Vous êtes bien logés dans des quartiers insalubres où des puanteurs  nauséabondes vous suffoquent,vous êtes  grassement nourris,mais vous me donnez l’impression comme si vous êtiez des squelettes; vous avez des hôpitaux déserts et des asiles psychiatriques qui sont fort nombreux;de l’eau salée qui coule à flots et qui vous désaltère;vos enfants vont à l’école  et  étroitement encadrés par une poignée de pédagogues qui avaient acquis leur savoir dans le livre vert: qu’est-ce que vous désirez de plusNon!Non!que dis-je?pourquoi l’école et qu’est-ce qu’ils vont faire à l’école,du moment qu’ils ont le livre vert à lire et à méditer ,l’école n’est plus nécessaire pour vous:Désormais votre école,à vous,c’est le livre vert,le seul que vous devez connaitre et tout autre livre serait un sacrilège ,une profanation ,passible de châtiment en place publique.

Car être ignorant est une qualité, mes chers petits,une des nobles qualités  que je me  targue d’afficher hautement...pourquoi s’instruire ,c’est une perte de temps,ce temps précieux que vous  devez  consacrer à ne rien faire,à vivre dans le farniente,à boire du thé et à babiller comme des harengères et à crier haro contre l’impérialisme international et en particulier l’impérialisme américain..

D’ailleurs pourquoi vous instruire,pour moi,moi votre leader,moi Gueddafi coeur de lion,moi, que tous les leaders  arabes et étrangers craignent,moi guide et phare des nations progressistes,moi éclaireur et conseiller clarvoyant du monde islamique,moi enfin,le Roi de tous les rois de la planète,je ne posséde aucun diplôme,puisque je ne suis jamais allé à l’école et que ma seule école était la rue :alors jetez vos enfants dans la rue,pour qu’ils deviennent tous Gueddafi coeur de lion:je l’ai dit:l’instruction ne rapporte rien,c’est une perte de temps,puisque vos enfants sont et seront comme moi,leaders de toutes les nations.

Oui,mes chers petits,aimez,adorez l’ignorance,elle vous permettra de vivre en paix!Aimez l’ignorance et vous aurez le repos de l’âme et du coeur.Pour moi,il vaudrait mieux vivre aveugle que de voir de ses yeux ce qui affligera le coeur!Oui,l’ignorance,l’idiotie,l’indigence et la stérilité de l’esprit pour un peuple comme vous est  l’une des nécessités qui vous permettra de vivre dans le repos et la quiétude ;mais une seule chose que vous ne devez pas ignorer cependant,et je vous l’ai recommandé déjà à maintes occasions,c’est mon livre vert,lequel,en vérité,n’était pas mon livre ,mais on a bien eu  la bonté de me l’offrir ,à prix d’argent bien sûr, et de mettre mon nom dessus et je l’ai adopté de propos délibéré,tout simplement pour vous permettre de vous cultiver et de vous éclairer sur le type de société  que je m’étais proposé d’élever sur le sol de la Libye,puisqu’il m’’est permis d’expérimenter mon livre à vos dépens!oui,mes amis,cultivez-vous,éclairez-vous dans mon livre vert,seul dépositaire de la vérité et de la véritable démocratie,mais pour le reste,ne vous y intéressez pas,car tout est nul,tout est faux,tout est truqué,tout est hypocrisie et tout est falsification et supercherie:il n’y a de vérité que la mienne,il n’y a de démocratie réelle que celle au sein de laquelle vous vivez  présentement..J’ai mis en place des milliers de miliciens pour me protéger d’abord contr votre ire..et ensuite pour m’attaquer à tous  mes opposants à l’intérieur et à l’extérieur du pays..

 

 

Oui,mon livre vert doit être votre bréviaire,c’est le livre qui a révolutionné l’univers,semé la prospérité partout,assuré le bonheur aux nations déshéritées:Ce livre vert pour lequel toutes les potentialités du pays furent mobilisées pour sa propagation et sa vulgarisation dans les coins les plus reculés des pays lointains,des congrés,des séminaires,des symposiums,des colloques  furent organisés dans les milieux universitaires et culturels  du monde et cela ne vous flattera pas,mes petits?Oui,il  est de votre devoir de vous enorgueillir,de voir que le livre vert,mon livre vert,est l’objet de l’idôlatrie universelle!

J’ai offert  à travers le monde des Prix,des Prix fantastiques,à toute personne ayant écrit sur mon livre..J’ai invité même une multitude impressionnante de professeurs  à  commenter;à analyser  et à faire l’éloge de mon livre..Et j’ai fait leur fortune pour la vie...

Tout libyen qui ne lit pas mon livre vert ,qui n’en fera pas son vadé-mécum est considéré comme un traître,un ennemi déclaré de la patrie

Ce n’est pas tout,qu’on continue à dresser mes portraits géants partout dans le pays,sur les édifices publics,dans les rues,que mes portraits s’incrustent dans vos montres,dans vos pendules,dans vos cuisines,dans vos toilettes,dans vos meubles,qu’ils soient partout,là où vos regards se plaisent à se fixer ;je veux que vous me voyiez à tout moment,pour que vous ne m’oubliiez pas un instant..Que ma personne soit partout,qu’elle vous accompagne partout oû  que vous soyez,je suis votre idôle et je dois le demeurer pour toujours autant dans le présent que dans le futur:en un mot,vous devez m’adorer et vous ne devez adorer que moi,puisque je suis le pilier sur lequel s’édifie votre gloire et votre honneur Et d’ailleurs vous ne vivez que pour moi. et par moi.C’est moi qui vous dispense l’essence de la vie...Le soleil qui vous éclaire,c’est mon soleil;l’air que vous respirez ,c’est moi qui l’ai créé et le sol que vous foulez aux pieds,c’est mon propre sol..De votre vie?c’est moi qui en dispose!

Des portraits géants ^pour moi,cela ne suffit pas,il me faut des statues gigantesques dont le sommet touche le firmament!Oui,mes petits,il me faut quelque chose de plus extraordinaire et de plus somptueux:il me faut des statues que vous ferez ériger partout dans les villes,dans les rues et dans les coins les plus réculés de ma grande Jamahiriya.Moi,Gueddafi le Grand,moi Gueddafi coeur de lion ,il me faut des statues qui consacreront  hautement mes exploits et mes victoires sur l’impérialisme  américain et britannique

Oui,mes petits,appelez des sculpteurs italiens,espagnols,français,comme vous voudrez,pour cela, rien que pour cela,que les coffres de la Banque Centrale de Libye soient largement ouvertes:qu’ils réclament les sommes qu’ils désirent,de quelque importance qu’elles soient,soyez prêts à les leur concéder sans la moindre restriction.Oui,mes petits,vous êtes un peuple de pygmées,de nabots rachitiques et à l’esprit rassis,il n’y a que moi  qui aie la stature robuste et forte,un vrai géant parmi vous..Voulez-vous que je me sacre empereur ou roi?Mais je le suis déjà depuis  que j’ai commencé à vous abrutir de mes extravagances..;depuis que je vous ai enchaîné à mon pouvoir absolu et enfin depuis que j’ai réussi  à vous duper par mes prouesses  verbales et par mes fanfaronnades.

Ah,et cet impérialisme américain,cet impérialisme décadent que j’abhorre et que j’exècre par dessus tout,c’est un impérialisme que j’ai passé toute ma vie à attaquer , à combattre,à défier inlassablement,il faut que je l’abatte,que  je le fasse disparaître de la planète,et je suis certain,grâce à vous,à vous qui êtes mon bouclier et que je sacrifie sur l’autel de ma vanité et de mon arrogance,je suis certain,dis-je,que je parviendrai à le faire mordre la poussière,la poussière de son propre sol,rien que par un simple signe,et vous le savez déjà ,de quoi je suis capable,et je ne vous cache pas que je suis déterminé à poursuivre inlassablement  ce monstre pourri  que l’on appelle l’impérialisme américain et britannique, et même français..Partout où prospérait cette épidémie des siécles,je serai là pour en endiguer l’épouvantable ravage...!Je l’attaquerai en Afrique,en Asie et surtout dans les pays arabes qui se plient encore sous son joug immonde..!

D’ailleurs,je ne puis plus vivre sans parler d’attaquer l’impérialisme américain..ça coule dans mes veines..!Car plus je défie cet impérialisme archaïque,plus vous m’applaudissez et vos applaudissements et vos exubérantes ovations sont pour moi ma nourriture quotidienne et je serais cuit,oui entièrement cuit,si je ne parlais pas de l’impérialisme international et en particulier américain..

Oui,mes chers petits,croyez-moi,vous serez fiers de moi,comme vous l’êtes déjà de moi en ce moment ,rien qu’à voir votre enthousiasme et votre exubérance ;;je salue en vous ces nobles sentiments qui sont vraiment d’un peuple profondément pieux et pacifique,car par vous,par votre sang que vous consentirez à répandre sur cette terre ,que je purifie de la présence étrangère et qui est devenue ma terre à moi....la terre libyenne,je m’élève encore bien haut et j’acquiers plus de gloire et d’estime aux yeux du monde.... 

Continuez à chanter mes victoires,que je sois l’objet de vos méditations et de vos écrits,que mon nom soit dans toutes les bouches,qu’il soit l’objet de vos inspirations dans vos poémes  en prose et en vers..Qu’il s’imprime enfin en lettres d’or  dans la presse mondiale!

Voilà,c’est fini !Si je continuais à vous parler de mes exploits légendaires,je suis certain que je n’en finirais pas !

lundi 25 janvier 2010

MOHAMED SELLAM

Professeur d’Université

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