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14 mars 2010 7 14 /03 /mars /2010 19:10

 

Point de vue

Pour la liberté d'opinion

Par Mohamed Sellam

            La presse a-t-elle une mission nationale à accomplir et en quoi consiste au juste cette mission?? La presse, avec ses organismes et ses structures, une institution d'envergure nationale au même titre que les autres institutions qui jouent un rôle prépondérant dans la vie du pays. Elle tire sa légitimité non pas seulement des lois démocratiques qui l'ont instituée, mais aussi de son rayonnement et du prestige dont elle jouit au sein du pays, car sa mission fondamentale consiste de prime à bord à promouvoir l'essor culturel et social de toutes les couches de la société. Son rôle est par conséquent d'informer, d'éduquer, d'éclairer le public des lecteurs et ce qui est encore essentiel c'est d'orienter les esprits vers le meilleur et le beau, puisqu'elle cristallise les tendances intellectuelles pour en canaliser les idées en vue de dégager une opinion quasi commune: une telle mission exige en effet une longue haleine, un savoir-faire à toute épreuve et une endurance, une patience que rien n'entamera. La presse doit être alors pour la vérité, rien que la vérité , la justice, l'égalité entre les membres de la même société, la liberté, seront pour elle des principes sacrés, qu'aucun être humain ne peut violer  sans être mis au pilori, ce sont ces principes de haute valeur humaine qu'elle s'assigne le devoir de défendre jusqu'au bout avec persévérance et dignité. C'est alors que la mission de la presse est une de portée humaine avant d'être mercantile et lucrative.

Entreprendre d'ouvrir de nouveaux horizons dans la manière de penser et de vivre au sein de la masse populaire, lutter pour les progrès humains et techniques, transformer les mentalités rétrogrades en mentalités progressistes et profondément réalistes, dévoiler et dénonce, sans complaisance, les anomalies et les carence de notre société, contribuer au développement du civisme et de la vertu politique, être autonome vis-à-vis des partis politiques protagonistes, transmettre avec une stricte fidélité toute information captés, voilà en effet la tâche primordiales d'une presse libre et indépendante.

            Cette mission ne s'arrête pas là, elle doit tendre encore plus loin avoir pour seul objectif l'intérêt de la nation, en insufflant l'esprit patriotique dans la masse populaire, en renforçant sa solidarité et sa cohésion.

            Alors dans ce cas la censure demeure-t-elle nécessaire et impérative? Oui pour la censure quand l'unité nationale est menacée! Oui pour la censure quand l'intérêt du pays ou la dignité du citoyen est en cause! Mais non pour la censure quand la liberté d'expression, une liberté responsable et fidèle aux principes inviolables déjà évoqués est en danger: Non à la censure quand elle freine la floraison intellectuelle et qu'elle empêche les talents de s'épanouir dans la création libre et sans contrainte! Non encore à la censure lorsqu'elle entrave la marche de la vérité et quelle stimule les mauvaises productions au détriment de ce qui est humain et général.

            La censure n'est pas un fléau moderne, elle plonge ses racines dans les nuits des temps, où l'époque de l'inquisition faisait rage en persécutant farouchement les libres - penseurs. Mais cette époque est révolue et que nous vivons à présent dans l'ère du progrès humain et de la liberté. Dès lors on peut affirmer que la censure est devenue de nos jours anachronique et démodée, puisque ce que l'on censure n'est souvent que ce que l'on connaît,ce que l'on a appris par les qu'en-dira-t-on ou les rumeurs sourdes.Car rien ne se cache désormais aux yeux du monde moderne, la vérité est toujours là, pure et sans fard, qu'aucun pouvoir, si puissant qu'il soit, ne peut masquer. Toutefois la censure est bonne, voire indispensable, lorsque les fondements de la société sont menacés, car il n'appartient à personne de saper les valeurs humaines et de dépraver les moeurs, de corrompre l'éthique sociale, de s'attaquer à la morale, à la vertu et à l'honneur mais suspendre un journal pour avoir permis à un citoyen de se défendre publiquement et d'exprimer son opinion sur une affaire que tout le monde connaît déjà, c'est, si l'on en juge bien, une mesquinerie, un acte pour le moins ridicule.

            La censure s'exerce surtout de nos jours sur le phénomène politique, cette fameuse vision des choses de la vie, qui bouleverse les nations et trouble les esprits, sans laquelle tout aurait pourtant été statique et inerte.

            La politique est alors la bête noire de la censure et c'est la politique qui provoque le mouvement des peuples et déclenche les révolutions. tout a intérêt à en discuter, tout se penche vers cet univers fantastique, pour essayer d'y voir clair et dire ce qu'on en pense. Dès lors les diversités d'opinion ne s'attardent pas à émerger et leur contradiction est plus que frappante, tellement chacun pense selon sa conception de la vie et du bonheur des peuples. D'où les conflits, les antagonismes, car chacun veut faire prévaloir sa propre conception, cherche à tout prix à dominer les autres. Et c'est alors que la censure surgit et tord le cou à ce qui n'est pas conforme à l'opinion dominante, toute déviation à cette orthodoxie, tout anticonformisme est jugé désormais comme un parjure, un blasphème, voire un crime impardonnable puni par les "lois".

            Pourquoi le régime autoritaire appréhende-t-il la presse écrite? Il est loisible d'affirmer que la presse, dans un pays civilisé et où le pourcentage d'analphabètes est insignifiant, façonne, modèle à sa guise l'opinion publique, elle cristallise les comportements et conduites intellectuels, en y insufflant des idées, des formes de pensées, voire un savoir-vivre, une vision des choses plus au moins réaliste, s'estompant dans une perspective de doctrine spécifique.

            Il est évident que la masse est aisée à aliéner, facile à émouvoir et à contraindre à épouser votre position, parce que la masse populaire dans son homogénéité et sa cohésion, parfois inébranlable, perd la logique des choses et ne pense plus que par passion et fanatisme. C'est pourquoi le régime qui pratique l'absolutisme politique, sachant à bon escient les caractéristiques psychiques de la masse du peuple, s'oppose à tout ce qui est de nature à réveiller en lui cette passion, cet enthousiasme effréné pour une cause jugée par la presse juste et indubitable. Dans les pays du tiers monde, où les régimes sont souvent acculés à pratiquer une politique hermétique et dictatoriale, la population est encore au stade de l'enfance, dénuée de tout sens critique et d'esprit de mesure et sur laquelle la presse écrite n'exerce en réalité aucune influence immédiate, puisque l'ensemble des lecteurs,passifs et presque naïfs dans la plupart des cas,ne s'intéressent  presque pas toujours à ce qui s'écrit dans les journaux. . D'ailleurs pourquoi cette appréhension? Serait-il possible qu'un régime solide et sincère avec le peuple, attaché à la justice et à la liberté honnête dans ses actions et ses paroles, soit ébranlé d'un seul coup par des affirmations mensongères? Ne devrait-on pas plutôt les accueillir avec ironie et humeur? Il n'y a, à mon sens, que le régime qui n'a pas confiance en soi, qui se doute de soi-même et qui porte en son sein une conscience morbide et corrompue, qui soit enclin à craindre la presse. Car rien ne saurait saper les fondements d'un régime authentiquement populaire et démocratique.

            Peut-on alors affirmer en fin de compte que l'existence du régime est en quelque sorte inhérente au pouvoir de la presse? Souvent dans notre monde moderne, le régime, qui assure le fonctionnement des organes de l'Etat, selon une conception politique qui lui est propre, est institué par un parti, lequel à juste titre domine et supervise le régime. Or ce parti au sein duquel le courant politique à instaurer se développe et prend forme, possède en effet ses propres organes de presse, qui véhiculent l'idéologie politique qu'il prône, ce qui est de nature à galvaniser sa conception idéologique et de lui conférer valeur et puissance, entretenue avec la même force par les autres moyens de communication dont il dispose et dont la portée en impose presque à tous les esprits au point de les aliéner et d'en faire même un instrument docile au service de sa propagande. Dès lors il est possible d'affirmer que la survie du régime et par voie de conséquence, du parti, est subordonné au prestige de ses organes de presse, qui le soutiennent inconditionnellement en lui assurant pérénnité et grandeur, même s'il s'achemine dans la réalité vers la déroute politique.

            C'est pourquoi une presse indépendante s'avérera à fortiori un danger permanent tant pour le régime que pour le parti. Du fait bien entendu que la presse en question cherche à s'affirmer et à s'assurer la démarcation nécessaire vis-à-vis des organes du pouvoir, en faisant souvent état des vérités qui risqueraient de perturber la paix sociale du régime. Mais une telle autonomie est presque inexistante dans les pays du tiers- monde, en ce sens que le pouvoir qui accapare tout ce qui touche à l'information, en monopolisant tous les moyens audiovisuels sans exception, contrôlant sévèrement tout ce qui se publie dans les maisons d'édition, et ce qui est pire encore, corrompu le goût du public en n'autorisant que la publication des fadaises et des niaiseries.

            L'institution d'une presse autonome est de nos jours une pure gageure, un pari difficile à gagner, du fait que le pouvoir, dont les organes de censures s'exercent en puissance, se montre hostile au rayonnement et à la notoriété d'une presse qui se met au service de la vérité et l'intérêt national.

            D'autre part, la presse actuelle est elle nantie d'une maturité politique et sociale suffisante pour assurer une information impartiale et véridique? Il est vrai que la presse actuelle souffre énormément de lacunes et d'insuffisances. Il lui manque une véritable maturité politique et humaine pour assumer en connaissance de cause la mission d'informer. Les vrais talents lui font défaut, ce qui fait que la presse était souvent réduite à glaner les informations publiées dans des revues étrangères - en particulier les informations sensationnelles- et à les insérer en vue de combler le vide.

            La crédibilité de la presse reste cependant liée à la cause qu'elle défend, à la doctrine qu'elle s'ingénie à instaurer et son pouvoir d'informer avec dignité et conscience.

            Avant d'être un penseur contemplatif, et un écrivain se réfugiant dans ses méditations individualistes, le journaliste est un homme d'action, un homme qui, embrassant une cause, la défend jusqu'au bout sans relâche. D'ailleurs la cause ne suffit pas pour faire un journaliste, il faut encore du courage, une profonde conviction, de la patience et beaucoup de génie. C'est pourquoi être mûr en politique, connaître  les réalités sociales et s'affranchir des partis-pris ainsi que de préjugés malsains, sont les conditions fondamentales pour rendre un journaliste suffisamment mûr pour accomplir sa tâche.

            Mais vendre sa plume au détriment de sa conscience pour un objectif matériel, faire publier des informations mensongères et inexactes, faire fi des principes de justice, de la vérité et de l'honneur, en soutenant une cause que vous savez injuste, être du côté du plus fort, en bravant les remords et les tourments de votre conscience, voilà en effet ce qui afflige le cœur et trouble l'esprit.

            Alors comment jeter les bases d'une presse responsable et mûre? La presse étant un facteur de culture et d'information, il est alors nécessaire de favoriser la promotion de cette institution, à un haut degré de responsabilité, susceptible de lui permettre d'assumer sa mission dans des conditions beaucoup plus favorables. Car être responsable de la culture des masses n'est pas une mince sinécure, c'est plutôt un devoir patriotique, une noble action tendant à ouvrir de nouveaux horizons dans un univers traditionnel et hermétique. C'est pourquoi il est impératif de promouvoir la presse en lui conférant une latitude plus large et plus souple, afin de pouvoir être à la mesure de la tâche qu'on lui attribue. La liberté demeure incontestablement sa raison d'être en lui permettant d'accomplir sa besogne loin de toute contrainte ou pression extérieure. Sans la liberté, la responsabilité s'efface, s'évanouit dans les tâtonnements et les appréhensions. Certes la liberté a des limites, mais cela n'empêche pas cependant de talonner, traquer la vérité où qu'elle soit, puisqu'il s'agit évidemment de l'intérêt national, pourtant personne ne redoute la vérité, si ce n'est ceux dont la conduite est suspecte. Il serait alors du devoir de la presse, d'une presse responsable et honnête, de démasquer tout ce qui trame dans les coulisses du monde des affaires et de la politique. Bien plus, la presse doit être consciente aussi de son influence et de son pouvoir à la foie dissuasif et persuasif dans la société. Elle doit s'affranchir des entraves de la routine et de la partisanerie, pour se mettre au service de la nation et de la vérité. Elle doit également se débarrasser de ce qui blesse le goût et perturbe les esprits, en prenant soin de ne faire état que de ce qui est vrai et rien d'autre. Car il y va de la survie la nation et de son progrès.

M.Mohamed Sellam

Professeur d’Université

0021696068585

 

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