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16 août 2010 1 16 /08 /août /2010 10:29

 

 

 

 

LE CUMUL DES FONCTIONS

Par Mohamed Sellam

Professeur d’Université.

            Le travail est sacré, on travaille pour vivre, ou pour mieux dire, pour assurer la subsistance nécessaire à la survie de notre progéniture. On travaille aussi pour nous rendre la vie plus acceptable, plus aisée à vivre, une vie où les soucis matériels seront enterrés pendant quelques heures au moins dans l'oubli. On travaille donc par nécessité, par besoin de s'évader dans un autre monde que celui que nous vivons dans la réalité. Le travail demeure en effet un droit, un droit inaliénable, que nul au monde ne peut abroger. Il est par conséquent du devoir de l'Etat, d'assurer à chaque citoyen la tâche qui réponde au mieux à son savoir -faire spécifique, à ses aspirations et à ses facultés.

            Cependant, si un citoyen, par amour du travail, ou en raison du coût de la vie qui ne cesse d'ailleurs de s'accroître indéfiniment, s'engage dans un travail complémentaire pour répondre quelque peu à cette hausse vertigineuse des prix, la loi dans ce cas se dresse-t-elle contre cette initiative? Un citoyen qui, accablé de dettes pour des raisons inconnues, ou se trouvant sous la pression des dépenses inattendues, n'a-t-il pas le droit de mettre ses capacités au service de la communauté? Si, d'un autre côté, il dispose d'assez de loisirs, accepte-t-il volontairement de perdre le temps qu'il aurait mis à profit pour ne pas succomber au besoin et à la privation? Le droit au travail est sacré et aucune loi n'est susceptible d'en provoquer l'annulation.

            Il est vrai que le chômage bat son plein dans le pays, envahissant de façon réellement terrible tous les secteurs de l'économie nationale, mais cela, à mon sens, n'est pas du tout une raison valable pour interdire à des citoyens disponibles et aptes d'assumer des activités marginales. D'ailleurs une telle loi, même si elle s'applique avec rigueur, n'apportera pas, j'en suis persuadé, ses fruits, cette interdiction ne résorbera en aucun cas le chômage qui sévit dans notre société.

            D'autre part, peut-on avoir l'aptitude, je veux dire une aptitude extraordinaire, surnaturelle, pour pouvoir concilier entre plusieurs charges à la fois? C'est ce qui me parait impossible, puisque le force humaine, intellectuelle, et physique, étant extrêmement limitée, il est inconcevable qu'un homme, quel que soit son génie, puisse assurer avec bonheur plusieurs responsabilités simultanées. Parfois même on se sent presque incapable de remplir au mieux et avec conscience une seule tâche, que serait-il advenu alors si l'on s'attelait  à deux ou trois besognes à la fois.

            Donc le cumul des fonctions est en soi une erreur, une erreur que l'on cherche pourtant à camoufler par des moyens détournés et qui coûte cher au peuple qui saigne pour enrichir une catégorie de politiciens vaniteux qui, en plus de leur charge officielle, s'attribuent à eux mêmes des titres et des postes qu'ils n'occupent presque jamais et pour lesquels ils sont pourtant grassement rémunérés.

            Comme on le voit bien, c'est une erreur qui se perpétue ainsi au plus haut sommet de l'Etat, il faut que cet état de choses cesse et que chaque personnalité, de quelque envergure qu'elle soit, n'assume désormais qu'une seule charge; il y va de l'intérêt de l'Etat et de la nation.

            L'idéal c'est que, lorsqu'on nous confie une quelconque responsabilité dans tel ou tel secteur, il serait judicieux de s'y adonner exclusivement en vue de s'en acquitter avec honneur, ce qui nous confère plus de prestige et de gloire, plutôt que de se laisser patauger dans des responsabilités infinies pour se retrouver au bout du chemin dans une situation peu enviable.

Pour dire vrai et pour revenir à l'essentiel le cumul des fonctions n'est il pas un privilège que s'octroient volontiers certains dirigeants de notre pays? Se croient il vraiment des surhommes, des personnalités hors du commun, des génies extraordinaires, incomparables, capables d'être partout et nulle part, pour remplir dans les meilleures conditions leurs multiples fonctions? Il est évident que la raison pour laquelle ils s'arrogent ainsi  ce droit, ce n'est pas du tout par amour pour la Tunisie ni non plus pour servir davantage la nation, mais c'est plutôt la cupidité, l'amour du gain, c'est pour grossir délibérément leurs fortunes, qu'ils prétendent se charger des responsabilités dans plusieurs domaines différents.

            Pourquoi interdit on alors aux fonctionnaires d'assumer d'autres fonctions complémentaires, pour meubler ou combler le peu de temps dont ils disposent? On voit bien d'ailleurs que cette loi est tout à fait déplacée, inadéquate, ne sert en aucun cas la politique qui l'a dictée.

C'est plutôt une mesure qui frise l'arbitraire, inspirée par des considérations sociales d'une gravité inouïe et dont les artisans de cette loi, d'une manière ou d'une autre, sont les vrais responsables.

            Alors que le fonctionnaire, dont le salaire ne suffit même plus à le vêtir contre le froid, se  sent  de lui même réduit à réaliser quelques économies susceptibles de l'affranchir du besoin qui le menace, la hiérarchie politique se baigne dans un univers matériel inconcevable, extravagant.

            Et pourtant ces gens là, jaloux des prérogatives qu'ils s'accordent à volonté, vont jusqu'à légiférer et promulguer des lois contre ceux qui luttent sans cesse pour pouvoir subvenir à leur besoin et au besoin de leur famille.

            Ainsi ils sacrifient leurs loisirs, se privent volontiers du temps qui est destiné en réalité à la distraction et à l'épanouissement de l'individu, se tuent au labeur, pour vivre, rien que pour vivre, pour ne pas mourir d'inanition et de misère. Alors que dans une autre sphère, dans un autre monde, des gens qui, ne connaissant guère la réalité des choses, nageant dans la plénitude matérielle et vivant dans le luxe le plus fantastique, se complaisent à faire publier des lois et à nous les faire subir.

            D'ailleurs, une loi sérieuse ne doit elle pas s'appliquer à tous les membres de la société? Evidemment! Dans une société où il n'y a ni racisme tribal, ni égocentrisme effréné, ni esprit régionaliste, où tous les citoyens sont égaux devant la loi, et où enfin la justice s'exerce de façon impartiale, dans une telle société, l'on est loin de rencontrer ce que réprouve la nature humaine, c'est à dire que tous les droits sont garantis sans réserve, et que tout citoyen, quelle que soit son échelle sociale, peut s'il en a la possibilité et les moyens, accéder à toutes les fonctions. Et s'il est plein de dynamisme et de détermination, il peut en l'occurrence être polyvalent et embrasser les carrières qu'il désire, sans contrainte, bien qu'une telle tentative relève en fait de l'impossible.

            Qu'il soit ministre ou simple ouvrier, le citoyen tunisien est astreint de se soumettre à la loi de son pays, sans quoi le spectre de l'anarchie et du désordre s'estompera à l'horizon et les conflits intestins surgiront pour mettre le pays dans un état déplorable.

            Tout citoyen, du sommet à la base, est donc tenu de respecter la loi, que l'on a acceptée volontiers, en particulier celle touchant l'interdiction du cumul des fonctions, et qu'enfreindre une telle loi,constituerait une infraction aux régles du jeu,un acte préjudiciable à l'honneur et à l'esprit du consensus social.    

Prof.Mohamed Sellam

0021696068585

Sellam06@hotmail.com

 

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